Nous avons eu droit à la cacophonie des exposés scientifiques par des commentateurs qui ne savaient pas comment fonctionne la science, ni que l’exercice du soin compte autant d’humanité que de connaissance ; chaque jour une affirmation contradictoire avec celle de la veille et pour résultat une panique généralisée car ce qu’on ne comprend pas fait peur. Nous avons aussi eu droit aux leçons de morale péremptoires et déclarations politiques tonitruantes couvrant tout l’arc en ciel des opinions et des comportements, de la générosité énergique des premiers de tranché chaleureusement applaudis à la délation mesquine des retranchés peureux, de la nouvelle société à portée de mains aux profits perdus à récupérer à n’importe quel prix. Les réseaux sociaux saturés laissent peu de place à la sagesse. Alors le silence dont nous avons bénéficié dans la ville durant tout ce temps faisait du bien, les derniers oiseaux étaient surpris de pouvoir enfin s’entendre, et nous avions un peu de temps pour penser. Redécouvrir l’Église du silence et de la fraternité est le choix que nous avons fait à saint-Eustache. D’une part nous avons servi chaque jour, et le ferons jusqu’à fin juin, un sac repas à ceux qui en ont un besoin vital, et d’autre part nous n’avons pas retransmis d’office sur Internet car la parole de la messe est une parole de chair qui risque d’être laminée sur des réseaux bondés, c’est notre choix, il est discutable mais nous l’assumons. Nous avons choisi de nous limiter à une parole brève quotidienne qui puisse résonner dans un silence, qui n’est pas l’absence, qui n’est pas l’oubli, mais silence qui est la nature profonde de l’Église que jamais ni les rites ni les prédications ne doivent voiler. N’oublions jamais que la parole de Dieu n’est pas une parole qui tombe d’en haut, qui tranche et qui juge, elle est une parole surgie dans un échange, un dialogue, une parole partagée qui sauve, une parole qui a besoin du silence pour être perçue. Le silence n’est pas le mutisme, les musiciens savent combien le silence est une part essentielle de la musique ; il est bien sûr une base essentielle de notre vie de foi, dans le silence nous parvient l’Esprit.
Jacques Mérienne, prêtre du diocèse de Paris à Saint-Eustache