Les « Béatitudes » que nous proclamons ce dimanche de la Toussaint ne sont pas des paroles de consolation, c’est un appel à la mobilisation des pauvres, des meurtris, des affamés, des persécutés. Le poète Chouraqui traduit par « en marche ! » le terme hébraïque que l’on nous traduit par « heureux ! dans la liturgie. Le poète est sans doute beaucoup plus proche du sens voulu par Jésus que l’exégète, car évidemment Jésus ne prêche ni la résignation ni la soumission, il invite à prendre en main sa vie et à la convertir pour créer le Royaume. Il n’est pas dans la plainte, il est dans la révolte, certes non violente, mais féconde. Jésus n’a jamais dit « heureux ceux qui pleurent » au sens spontané où nous le comprenons, pas besoin de connaître l’hébreux pour le savoir, ce qu’il a dit est plus proche de « Qui cherche trouve, à qui frappe, on ouvrira ». Alors quel bonheur justement de retrouver ces paroles en ce moment pour qu’elles nous stimulent. Le confinement qui nous est proposé pour sauver des vies ne doit pas devenir un étouffement, au contraire. Il doit être l’occasion de vérifier que nous ne nous laissons pas abattre, ni par la maladie qu’il faut affronter et surmonter avec l’aide des personnels soignants, ni par la peur qu’il faut dépasser pour avancer, avec l’aide des forces de sécurité qui nous protègent. Il y a en chaque croyant, rassemblé avec ses frères et sœurs dans une Église mal en point mais qui en a vu d’autres, une part inconfinable : l’Esprit qui va nous faire trouver en ces temps troublés comment avancer même si l’on est entravé. Et si tous les saints du ciel prient avec nous, comment nous sentirions-nous seuls ?
Père Jacques Mérienne, vicaire de Saint-Eustache