René Char écrivait cette phrase sublime: “La poésie est ce fruit mûr que nous serrons, mûri, avec liesse, dans notre main, au même moment qu’il nous apparaît, d’avenir incertain, sur la tige givrée, dans le calice de la fleur”.
Il y a quelques mois, au début de cette année paroissiale, nous avons égrené les semaines avec des poèmes, disant la vie, l’amour, la misère, l’aventure humaine. Cette parole-là, nous ne pouvons pas la mettre de côté, elle nous accompagne sur notre route, elle nous appartient à tous et nous relève de nos peurs, de nos incertitudes ou même de nos dégoûts. Nous vivons un espace de temps difficile, dangereux voire cruel.
Alors laissons-nous saisir par ce “fruit mûr”, laissons-nous être “la tige givrée”, “le calice de la fleur”, pour accueillir cette musique des mots et de la pensée, comme pour aller à la source de la parole.
Pierre Reverdy, Le Bonheur des mots (1960)
Je n’attendais plus rien quand tout est revenu, la fraîcheur des réponses, les anges du cortège, les ombres du passé, les ponts de l’avenir, surtout la joie de voir se tendre la distance. J’aurais toujours voulu aller plus loin, plus haut et plus profond et me défaire du filet qui m’emprisonnait dans ses mailles. Mais quoi, au bout de tous mes mouvements, le temps me ramenait toujours devant la même porte sous les feuilles de la forêt, sous les gouttières de la ville, dans les mirages du désert ou dans la campagne immobile, toujours cette porte fermée (…) C’est alors que c’est élevé le chant magique dans les méandres des allées (…)
Les hommes se sont mis à parler et le bonheur s’épanouit à l’aisselle de chaque feuille, au creux de chaque main pleine de dons et d’espérance folle. Si ces hommes parlent d’amour, sur la face du ciel on doit apercevoir des mouvements de traits qui ressemblent à un sourire(…)
Les chaînes sont tombées, tout est clair, tout est blanc -les nuits lourdes sont soulevées de souffles embaumés, balayées d’immenses vagues de lumière. L’avenir est plus près, plus souple, plus tentant.
Martine De Groote