Évangile du jeudi 12 novembre 2020

En ce temps-là, comme les pharisiens demandaient à Jésus quand viendrait le Royaume de Dieu, il leur répondit : « La venue du Royaume de Dieu ne se laisse pas observer, et l’on ne dira pas : ‘Voici : il est ici ! ou bien : il est là !’ Car voici que le Royaume de Dieu est au milieu de vous. »

Il dit encore aux disciples : « Viendront des jours où vous désirerez voir un seul des jours du Fils de l’homme, et vous ne le verrez pas. On vous dira : ‘Le voilà !’ ‘Le voici !’ N’y allez pas, n’y courez pas. En effet, comme l’éclair qui jaillit illumine l’horizon d’un bout à l’autre, ainsi le Fils de l’homme, quand son jour sera là. Mais il faut d’abord qu’il souffre beaucoup et qu’il soit rejeté par cette génération. »

Luc 17, 20-25


Méditation

« Comme l’éclair qui jaillit illumine l’horizon… » Trois fois dans l’œuvre de Luc, ce mot « éclair » (astrapè en grec) apparait. Pour un homme né avant les sciences expérimentales, l’image de l’éclair peut prendre une connotation religieuse. L’éclair éclaire en effet deux mondes : la terre et le ciel. Ce qui en spiritualité peut nous parler du monde fini, que l’on voit, symbolisé par la terre et du monde infini, que l’on ne voit pas, symbolisé par le ciel.

Au chapitre 10 de l’évangile de Luc, Jésus, parlant à ses 72 disciples revenus tout joyeux de leur première annonce du Royaume, leur dit : « qu’il voyait (le) Satan tomber du ciel comme l’éclair » (Luc 10,18). Qu’est-ce à dire ? Que les idées que les hommes se font de Dieu, pensées dans l’ordre de la puissance et de la domination ou de l’accusation, ne sont que des pensées inspirées par le Satan : l’esprit qui nous trompe. Ces 72 premiers disciples, annonçant par leur présence désarmante le Royaume, provoquent des échanges et un espace relationnel : ils font tomber du ciel le Satan, comme l’éclair. Une distinction s’opère dans la conscience religieuse : le ciel, monde de Dieu, est dégagé de toute pensée accusatrice ou volonté de domination. Si ces représentations errent dans le cœur des hommes, cela ne vient pas de Dieu, mais d’une réalité spirituelle qui se glisse dans nos pensées comme un serpent, le Satan.

« Comme l’éclair qui jaillit illumine l’horizon d’un bout à l’autre, ainsi le Fils de l’homme, quand son jour sera là. » Nous pouvons comprendre que c’est dans le mystère de Pâques que se dévoile, à la croix et au tombeau vide, cette révélation définitive pour tous les temps, de l’alliance indéfectible faite en Jésus entre Dieu et les hommes. À la croix, les pensées accusatrices jusqu’au meurtre – qui veulent occuper le trône de Dieu – sont mises à terre, car elles n’ont rien à voir avec le Dieu de Jésus-Christ.

Dès lors, ne nous laissons pas piéger par la peur. Inutile de mettre notre confiance dans les paroles de devins, augures ou annonciateurs, qui, par un « savoir » venu des cieux dont ils auraient bien évidemment l’exclusivité, cloisonnerait notre futur dans leurs prédictions et nous ligoterait dans une attente éteignant en nous toute créativité relationnelle. Le Royaume attendu n’a pas à se confondre avec nos imaginaires, car il est déjà commencé : « il EST au milieu de nous. » Comprenons qu’il se confond avec la personne même de Jésus, Verbe de Dieu, venu vivre au milieu de nous dans l’espace-temps, l’échange relationnel que de toute éternité il vit avec le Père. C’est la prise de conscience que feront les apôtres à la Pentecôte. Elle ne demande qu’à se poursuivre, si nous laissons l’Esprit Saint ayant pris chair en Jésus trouver son espace au cœur de nos relations humaines, « au milieu de nous ». L’Évangile commence à peine…

Antoine Adam, prêtre de l’Oratoire à Paris