« Comme Jésus marchait le long de la mer de Galilée, il vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et son frère André, qui jetaient leurs filets dans la mer (Mt 4, 18-22, texte du jour) ». Jésus appelle ses apôtres, ce seront des Galiléens comme lui, ils seront appelés en plein travail, ce sont des artisans, des pêcheurs. Est-ce que leur travail a à voir avec leur mission ? Il semblerait, « je vous ferai pêcheurs d’hommes » dit Jésus. L’expression est ambiguë, plus encore aujourd’hui où ce métier fait polémique à cause des surpêches qui éliminent la biodiversité, à commencer par le lac de Tibériade qui a perdu sa richesse en poissons à cause de la prédation et qu’il faut sauver. Est-ce que lorsqu’elle devient du prosélytisme l’évangélisation ne serait aussi un peu prédatrice ? Mais pour Jésus il ne s’agit pas de cela, on en est loin, il s’agit d’incarnation. L’incarnation ne consiste pas à entrer dans un corps, mais à entrer dans la vie, la vie humaine, à commencer par la vie quotidienne, et comment s’exprime couramment la vie sinon dans le travail, ici l’artisanat.
La mission ne consiste pas à attraper des hommes ou des femmes, même avec un beau filet, mais à les rejoindre au cœur de leur vie grâce à la compétence et à la proximité que constitue un vrai travail. L’Évangile parle souvent d’artisans, les pêcheurs en premier lieu, mais aussi les potiers, les jardiniers, les ménagères, les collecteurs d’impôts, les vignerons, et bien sûr les bergers, pêcheurs et bergers sont au top du palmarès. « Aussitôt, laissant leur barque et leur père, ils le suivirent. » L’incarnation c’est aussi la famille qui doit savoir laisser partir… Ce qui fonde la mission ce n’est pas le pouvoir que procure la communauté, c’est l’incarnation du disciple. Même humains, très humains, nous avons toujours à nous réincarner.
Illustration du père Jacques Mérienne