Première lecture du lundi 14 décembre 2020

En ces jours-là, levant les yeux, Balaam vit Israël, établi par tribus ; l’esprit de Dieu vint sur lui et il prononça son poème. Il dit :

« Oracle de Balaam, fils de Béor,
oracle de l’homme au regard pénétrant,
oracle de celui qui écoute les paroles de Dieu.
Il voit ce que le Puissant lui fait voir,
il obtient la réponse divine et ses yeux s’ouvrent.
Que tes tentes sont belles, Jacob !
et tes demeures, Israël !
Comme des vallées qui s’étendent,
comme des jardins au bord d’un fleuve,
comme des aloès que le Seigneur a plantés,
comme des cèdres auprès des eaux !
Un héros grandit dans sa descendance,
il domine sur des peuples nombreux.
Son roi est plus grand qu’Agag,
sa royauté s’élève.

Alors il prononça son poème. Il dit :

« Oracle de Balaam, fils de Béor,
oracle de l’homme au regard pénétrant,
oracle de celui qui écoute les paroles de Dieu,
de celui qui sait la science du Très-Haut.
Il voit ce que le Puissant lui fait voir,
il obtient la réponse divine et ses yeux s’ouvrent.
Je le vois – mais non pour maintenant,
je l’aperçois – mais non de près
Un astre issu de Jacob devient chef,
un sceptre se lève, issu d’Israël. »
– Parole du Seigneur.

Nombre 24, 2-7. 15-17a

Méditation

Comme nous aimerions avoir le « regard pénétrant » en ces jours ! Non pour éviter de porter des lunettes ou des lentilles le cas échéant, mais pour saisir vraiment ce que nous traversons dans cette année 2020. La grâce que reçoit le prophète païen Balaam de la part du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, est de déceler une beauté qui échappe aux autres. Comme nous aimerions comprendre ce que signifient ces évènements qui nous assaillent de toute part, et discerner la juste réponse qui est attendue de nous, à l’intérieur même de l’épaisseur de nos histoires singulières. Voilà que les yeux de Balaam s’ouvrent et qu’il comprend non seulement la situation contemporaine du peuple d’Israël mais plus encore ce qui l’attend. En cela, le prophète biblique n’est ni un devin, ni un législateur, contrairement aux compréhensions habituelles ; par grâce, il voit, il comprend, il agit, et cela rend service à tous.

Le texte biblique est d’ailleurs subtil car il articule cette vision nouvelle, qui pénètre au-delà des apparences, avec l’écoute d’une parole publique qui est la proclamation des Écritures reçues et transmises par le peuple d’Israël. Non seulement, le païen est inclus dans l’action divine mais il est immédiatement renvoyé à la singularité d’Israël. Il n’est pas uniquement illuminé par une vision nouvelle ; il est aussi enveloppé d’une parole prêchée et vécue par un peuple, ce peuple dont l’histoire montre pourtant les vraies limites. Là où l’œil de Balaam saisit immédiatement une situation d’ensemble, la parole qui ne se donne que dans le temps le conduit à reconnaître l’action divine dans l’histoire d’un peuple singulier, et à inscrire cette même action dans sa propre biographie.

Souvent, le temps de l’Avent est présenté comme une préparation à Noël – et même assimilé à une sorte de petit carême. L’épisode de Balaam montre pourtant que l’Avent est beaucoup plus que l’attente de Noël. La naissance de l’Enfant ne comble que très partiellement l’attente qui s’exprime dans toute la liturgie propre à l’Avent, c’est-à-dire l’attente du règne définitif de la justice et de la paix. Dans ce moment de l’année, où nous sommes le plus proches du peuple juif, Balaam peut nous aider à demander la grâce d’un regard pénétrant et d’une écoute de la Parole, nous permettant d’agir dans l’attente de la réconciliation définitive.

 

Luc Forestier, prêtre de l’Oratoire à Paris