Évangile du lundi 15 février 2021

Cependant Caïn dit à son frère Abel : Allons dehors, et, comme ils étaient en pleine campagne, Caïn se jeta sur son frère Abel et le tua.

Yahvé dit à Caïn : Où est ton frère Abel ? Il répondit : Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère ? Yahvé reprit : Qu’as-tu fait ! Écoute le sang de ton frère crier vers moi du sol ! Maintenant, sois maudit et chassé du sol fertile qui a ouvert la bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère. Si tu cultives le sol, il ne te donnera plus son produit : tu seras un errant parcourant la terre. Alors Caïn dit à Yahvé : Ma peine est trop lourde à porter. Vois ! Tu me bannis aujourd’hui du sol fertile, je devrai me cacher loin de ta face et je serai un errant parcourant la terre : mais, le premier venu me tuera ! Yahvé lui répondit : Aussi bien, si quelqu’un tue Caïn, on le vengera sept fois et Yahvé mit un signe sur Caïn, afin que le premier venu ne le frappât point.

Genèse 4, 8-15

 


 

Méditation

Où est ton frère ? Qu’as-tu fait ? Parole divine, jaillie du récit mythique du meurtre d’Abel par Caïn ; mythe se réalisant dans toute l’histoire de l’humanité blessée, ensanglantée…

Où est ton frère ? Qu’as-tu fait ? Sans remonter si loin, regardons notre l’histoire contemporaine, dont les regards d’enfants de diverses contrées expriment la douleur du frère assassiné. Si la Shoah en est le paroxysme, n’oublions pas tous les pays en guerre. Ces minorités déplacées ou emprisonnées.

Qu’as-tu fait de ton frère ? Ici, maintenant, pour le migrant cherchant un « paradis » mais ne trouvant que les portes fermées des auberges… comme l’Enfant de Noël… Les portes se ferment, les regards ne se croisent plus, nous vivons masqués pour protéger l’autre des microbes dont nous serions porteurs, dit-on… certes, mais plutôt pour se protéger de l’autre ! Comme le dit François, nous sommes rentrés dans la « culture du déchet ». Phrase terrible car le déchet est cet homme espérant et rejeté devant nos portes closes, nos mains fermées. Membre de cette société pour laquelle les intérêts priment sur le bien commun, alors que la maison commune se doit d’accueillir tout le monde dans sa dignité et le respect que tout homme doit à l’autre, surtout au plus démuni. Sans accueillir pour autant tout ce qu’il fait, mais ce qu’il est. « Va, dorénavant ne pèche plus » dit Jésus à cette femme pardonnée, re-levée, re-née. Qui relevons-nous ?

Qu’as-tu fait de ton frère ?

Cette phrase me corrode, elle m’atteint en ce que je devrais être et ne suis pas. Ou pas assez ! Suis-je le prêtre passant son chemin ou ce samaritain qui s’arrête ? Les deux à la fois ; le passer outre ou la main tendue ? Main ouverte, que j’ai eu souvent, mais que j’ai fermée trop de fois… Un lépreux au Tchad m’a tendu son moignon, je n’ai pas su le saisir. Heureusement le lendemain je l’ai revu, ma main s’est ouverte et nous nous sommes touchés fraternellement, je garde en tête mon premier réflexe.

Nous prions tous le « Notre Père. » Faisons-nous, fais-je assez attention à ce simple mot « Notre » suivi de « Père » ? Cette prière nous établit comme frères, quelles que soient les origines, la couleur de peau, la religion.

Et de terminer par François, dans son Encyclique Fratelli Tutti : « L’amour de l’autre pour lui-même nous amène à rechercher le meilleur pour sa vie. »

Michel Dupuy, prêtre de l’Oratoire à la Valfine, Jura