Vous déambulez nonchalamment sous les vastes voûtes de Saint-Eustache. Celles-ci sont déposées comme le serait une canopée, dont les arbres la constituant se trouveraient être ces piliers majestueux, se terminant par des chapiteaux ornés d’angelots et de feuillages. Ces arceaux de pierre, à certaines heures du jour, profitent d’un chatoiement de multiples couleurs vives, que le soleil, peintre de génie rivalisant avec les maîtres verriers, s’emploie à projeter à travers les vitraux. Quand l’astre du jour est à son zénith, l’église séculaire, – que les bâtisseurs de l’époque gothique, puis ceux de la Renaissance, avaient voulu la plus fascinante possible – l’église séculaire resplendit de beauté, embrasée d’une lumière presque surnaturelle.
« C’est fascinant, en effet, mais il y a ici bien plus… »
Plus ? Ah oui, bien sûr ! C’est vrai que l’on y baptisa Armand-Jean du Plessis de Richelieu, devenu le Cardinal que l’on sait ; Jean-Baptiste Poquelin, venu en proche voisin, qui deviendra l’étourdissant Molière ; Jean-François Regnard, lequel fit carrière avec sa plume d’écrivain et de dramaturge ; le Prince Eugène de Savoie, grand général des armées impériales du Saint-Empire romain germanique ; Jeanne-Antoinette Poisson, marquise de Pompadour, duchesse de Menars, favorite de Louis XV…
« Vraiment stupéfiant ! Mais, je vous assure qu’il y a ici bien plus… »
Alors oui, bien sûr, le futur roi Louis XIV, le Roi-Soleil, y fit sa première Communion, et reçut en ce sacrement un plus Grand Soleil que lui-même. Maximilien de Béthune, duc de Sully, et Jean-Baptiste Lully s’y sont mariés. On y célébra les obsèques de Jean de La Fontaine, l’insurpassable fabuliste ; celles d’Honoré Gabriel Riqueti, comte de Mirabeau, avant qu’il soit transféré au Panthéon ; cérémonie aussi pour Anna-Maria Walburga Pertl, épouse Mozart, décédée dans le quartier, – la mère, donc, du jeune Wolfgang, qui se trouvait à cette cérémonie.
« Quelle émotion ! C’est excessivement touchant ! Mais il y a ici bien plus… »
Bien sûr, de grands hommes furent inhumés ici-même, comme Jean-Baptiste Colbert, le grand homme d’État ; Marivaux, le célèbre dramaturge ; Jean-Philippe Rameau, le compositeur français et théoricien de la musique ; Tiberio Fiorilli, plus connu sous son nom d’acteur de la commedia dell’arte : Scaramouche ; Vaugelas, le grammairien savoisien qui fut l’un des premiers membres de l’Académie française ; Vincent Voiture, poète et prosateur français ; et puis Anne Hilarion de Costentin, comte de Tourville, vice-amiral et maréchal de France… Notons aussi que, plus tard, Hector Berlioz y créa son Te Deum, et Franz Liszt, sa Messe solennelle.
« Tout ça est très impressionnant ! Étourdissant, je vous l’accorde ! Mais je vous assure qu’il y a ici bien plus (1), car Celui qui Est toujours plus que ce qu’on pourrait imaginer, et même concevoir, eh bien, Celui-là habite ces lieux ! Oui, Celui qui est, qui était, et qui vient, habite ces lieux. Celui qui est la permanence de l’Être car il se nomme Lui-même JE SUIS, eh bien, Il est présent en ces lieux, tout vibrant de son Amour pour nous.
Sa Présence se diffracte comme à travers un prisme en chacun de nous… Attendez, vous allez mieux comprendre : revoyez les boules multicolores et miroitantes accrochées à votre sapin de Noël ; imaginez que chacune de ces boules reflète l’image de la pièce où se trouve le sapin, et qu’elle reproduit ainsi votre salon autant de fois qu’il y a de boules. Eh bien, un peu de la même façon, Celui qui vit ici, habite aussi le cœur de tous ceux qui fréquentent ces lieux, si bien que, sans le savoir, nous portons en nous le miroitement de Sa Présence. Non pas, en l’occurrence, des boules de Noël, mais des reflets du feu de l’Esprit qui nous constitue en Son Temple.
Si nous possédions des lunettes pouvant percevoir l’Invisible, nous serions sans doute surpris de découvrir ces fameux Reflets divins émanant de toutes les personnes présentes en même temps que nous dans l’église. Aussi, ce rayonnement rendrait bien terne celui des vitraux, pourtant étincelants grâce au soleil. Mais un autre Soleil irradie en nous : « Désormais, ce n’est plus le soleil qui sera la lumière de tes jours, ni la lune le luminaire de tes nuits, c’est le Seigneur qui sera Ta Lumière de toujours et Ta splendeur. » D’après Isaïe 60, 1
Jean-Marie Martin, oratorien à Paris.
(1) D’après Matt 12, 41-42 : … et il y a ici bien plus que Jonas […] et il y a ici bien plus que Salomon…