Ce jeudi 2 mars. Le matin de ce jeudi avec Monsieur Louis Robiche, régisseur de Saint-Eustache, nous avons accompagné la police municipale de Paris pour découvrir ce qui se vivait dans les sous-sols du Forum des Halles. J’avais adressé une demande au commissaire général de la police municipale pour effectuer cette visite.
Chaque matin, la police municipale accompagnée d’un agent social vient visiter les portes de sécurité du Forum qui sont obstruées par des hommes et des femmes en détresse et qui dorment au pied de ces portes d’entrée. Ce que Louis et moi avons découvert nous a considérablement choqués. Des hommes et des femmes qui dorment au milieu d’immondices, dans des espaces où l’odeur est insupportable. Et tout cela à 20 ou 30 mètres à peine de ce que nous considérons être nos activités habituelles : la gymnastique, la piscine, les commerces. Louis et moi avons vu ces personnes, hommes, femmes, mineurs dont une femme de 17 ans enceinte, répondirent calmement à la police et un dialogue entre personnes qui se connaissaient s’est instauré. Cela se passe sur le territoire de notre paroisse et je me suis dit que nous ne savions pas, malgré toutes nos actions caritatives, répondre à cette détresse.
A 12h35, j’ai été appelé par le Père Gilles-Hervé Masson qui me prévenait que la messe de midi dans la chapelle de la Vierge avait été interrompue par un grand bruit. Il s’agissait d’un acte de vandalisme, un extincteur lancé contre l’autel principal. Je suis vite descendu pour constater les dégâts et pour appeler les forces de l’ordre. L’autel principal dégradé par un acte de violence. L’autel, symbole tout à la fois du dernier repas de Jésus avec ses disciples, de son sacrifice, de sa mise au tombeau. C’est le symbole de notre rassemblement autour de ces trois actes du Christ qui a été directement affecté. Et lorsqu’un symbole est atteint, il n’est plus opératoire. Je le rappelle, l’autel est au cœur de l’église comme le Christ est au cœur de nos rassemblements. Je me suis alors rappelé que 15 jours auparavant, un homme était venu uriner au pied du maître-autel. C’est pourquoi j’ai demandé à Monseigneur Emmanuel Tois de bénir également aujourd’hui ce maître-autel. Tous les jours, des personnes de la rue viennent crier leur détresse dans notre église. Oui, frères et sœurs, la détresse humaine qui nous environne n’est plus simplement aux portes de notre église. Désormais, elle se manifeste dans notre église, touchant les symboles les plus sensibles de notre foi. Par rapport à cela je voudrais exprimer deux choses : 1/ ma reconnaissance à l’égard des sacristains et des personnes de l’accueil qui sont directement confrontés aux manifestations concrètes de cette détresse dans notre église ; 2/ vous connaissez ma sensibilité au principe de la beauté. Ce principe que j’affectionne est intimement lié à l’édifice dans lequel nous nous rassemblons. Spirituellement, je le rattache directement à la beauté de l’humanité du Christ. Cela, je vous l’ai rappelé lors de la dernière présentation des vœux. Aujourd’hui, j’ajouterais que la beauté de l’humanité du Christ ne peut pas être envisagée indépendamment du fait que celle-ci a été outragée, bafouée, détruite. La passion du Christ : qui de nous, face à cette passion aurait trouvé le comportement adéquat ? Ce dont notre communauté est atteinte aujourd’hui ne doit faire l’objet d’aucune récupération religieuse ou politique.
En effet c’est bien une question de foi qui nous est posée. Les actes qui ont été commis contre les autels de Saint-Eustache nous rappellent que ce n’est pas tel ou tel individu qui en est la cause, mais plus fortement la responsabilité incombe à toute une conception de l’humanité qui ne parvient pas à intégrer la détresse humaine telle qu’elle se présente aujourd’hui dans la détresse qui fut celle du Christ. C’est pourquoi et à mes yeux, il est pleinement légitime que face à de tels événements, nous implorions tous la miséricorde de Dieu, ne serait-ce que pour reconnaître que face à la détresse humaine, nous nous reconnaissions impuissants. C’est ce qu’au cours de cet office, nous avons engagé. Au nom de notre communauté, je demanderai à rencontrer l’auteur de cet acte. J’aimerais mieux comprendre les motivations de son acte. Mais surtout, j’aimerais lui dire que nous ne le condamnons pas.
Monseigneur Emmanuel Tois, j’étais infiniment heureux que vous présidiez cette célébration. Madame Anne Hidalgo, votre présence, me touche, nous touche tous ici présents énormément. Je tiens à exprimer ma vive reconnaissance à toutes les personnes qui nous ont manifesté leur soutien, Monseigneur Laurent Ulrich, les vicaires généraux du Diocèse, le Supérieur général de l’Oratoire, plusieurs communautés paroissiales de Paris, Monsieur le Maire de Paris-centre, Madame l’Adjointe de la Maire chargée du patrimoine, les membres du DECH et de la COARC, énormément de personnes sur le site. Je tiens également à remercier les Forces de l’ordre. Leur souci d’assurer notre sécurité et celle du bâtiment est réel.
Yves Trocheris
Curé de Saint-Eustache
PS : Nous avons appris hier que d’autres églises de Paris avaient été vandalisées. La communauté de Saint-Eustache est en communion de prière avec toutes les paroisses de Paris touchées par ce phénomène.