Evangile du mercredi 19 juillet 2023 (Mt 11, 25-27)

 

En ce temps-là,
Jésus prit la parole et dit :
« Père, Seigneur du ciel et de la terre,
je proclame ta louange :
ce que tu as caché aux sages et aux savants,
tu l’as révélé aux tout-petits.
Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance.
Tout m’a été remis par mon Père ;
personne ne connaît le Fils, sinon le Père,
et personne ne connaît le Père, sinon le Fils,
et celui à qui le Fils veut le révéler. »

Méditation

 

Ce passage de l’Évangile de Matthieu frappe les esprits par sa concision et sa densité. Par sa radicalité aussi. Clé de voûte absolue, le Père est bien le Seigneur du ciel et de la terre, des astres et des constellations, mais aussi des terres émergées, des fleuves, des rivières et des océans. Il est le maître de tout, le Dieu de la création dans son entier, Celui qui façonne, organise, veille à la bonne marche des choses, Celui aussi qui tient le destin – et le terme – du monde entre Ses mains. C’est le Dieu de la Première Alliance, Celui qui, au troisième chapitre du livre de l’Exode, intime à Moïse l’ordre de retirer ses sandales, au motif que le lieu où il se tient est une terre sacrée, avant de déclarer qu’il est « le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob ».

Ce Dieu magistral n’est cependant pas une figure lointaine, verticale et terrible. Au Dieu patriarcal et archaïque que laisse deviner l’Ancien Testament, j’avoue préférer Celui qui découvre – un peu – son visage dans l’Évangile de Matthieu. Tout d’abord, il ne s’adresse pas aux seuls élus, bien au contraire : il dissimule aux sages et aux puissants ce qu’il révèle aux tout-petits. Il n’est donc pas le Dieu des doctes et des légistes, des théologiens et de ceux qui détiennent le savoir, il ne connaît qu’une compagnie, celle des simples, des pauvres, des déclassés, celle de tous ceux qui se tiennent à l’écart des chaires et des places d’honneur. Second aspect, qui me paraît essentiel : Il ne fait qu’un avec Son Fils, auquel Il remet tout, installant, de ce fait, le Christ dans une position éminente et singulière, celle du passeur qui conduit au Père.

Nous entrons soudain dans cette intimité primordiale, dans ce dialogue, ce jeu de miroirs aussi où s’enracine notre foi. Le Fils nous donne à voir le visage du Père, le Christ nous fait entendre la voix de Dieu. Ils ne sont qu’un, le Père a engendré le Fils qui connaît le Père ; le Père, comme on le lit sous la plume de saint Jean, a aimé le Fils bien avant la fondation du monde ; le Fils, porté par la mission qui lui est confiée, a vocation à révéler cette puissance, cette beauté, cette irradiation de Dieu. Nous sommes appelés, presque subrepticement, à nous glisser dans cet entre-deux, dans cette communion magnifique, cette fusion, cette incandescence des personnes divines.

 

Oui, nous y sommes invités, dans le silence et la solitude de l’été, loin du bruit et de tout ce qui nous blesse, en retirant nos sandales d’arrogance et de puissance, c’est-à-dire en rompant tout lien avec le haut clergé des doctes et des savants, et en nous mettant dans la délicate et difficile position de l’enfant ou du pauvre, du tout-petit qui ne connaît que deux attitudes : l’émerveillement et l’action de grâce.

 

Philippe Le Guillou, paroissien de Saint-Eustache