Il est bon de réentendre en ce début d’année le projet du Christ : bâtir son Église. Cela se passe à Césarée de Philippe, Jésus refuse dorénavant de faire des miracles pour éblouir les foules. Pour qui le prend-on ? Il interroge : « pour vous qui est le Fils de l’homme ? », seul titre qu’il se donne, et Pierre lui répond en lui attribuant un autre titre : « tu es le Christ, le fils de Dieu ». Pour la première fois Pierre déclare sa foi à Jésus non pas parce qu’il a assisté à un miracle ou un prodige, la marche sur les eaux par exemple, mais parce que cela vient du plus profond de lui-même, une foi qui est en même temps accueil d’une révélation et attachement à une personne. Dans son évangile Matthieu ajoute la réaction de Jésus à cette réponse (16, 18), il sait désormais sur qui il peut compter pour mener à bien son projet « tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église ». Pierre devient littéralement une pierre, un roc dans la mesure où il représente, il motive et finalement incarne tout son peuple, cette partie du peuple juif qui a répondu à l’appel de Jésus « suis-moi ». Pierre n’a pas engagé que lui-même, il a été le premier d’une multitude, qui a débordé les limites du judaïsme sans le renier, pour pénétrer les autres peuples et s’en trouver enrichi. Il en a été d’abord lui-même surpris et méfiant, mais finalement enthousiaste. Et ce peuple nouveau a traversé les vicissitudes de l’histoire en préservant, sinon une unité, du moins le sentiment commun de répondre au même appel, un appel que nous entendons encore aujourd’hui, surtout en ce début d’année. « Je bâtirai » dit Jésus ; non pas « j’ai édifié », le chantier n’est pas clos. Chaque fois qu’un obstacle surgit à nouveau nous entendons « suis-moi », chaque année qui commence nous entendons à nouveau « suis-moi », chaque fois qu’un homme ou une femme s’approche de nous pour chercher du sens, un refuge, une amitié, il ou elle entend « suis-moi », car cet appel résonne toujours en nous. Prendre le temps d’écouter cet appel nous permet de reprendre souffle, de reprendre notre élan, de rejoindre Pierre pour être avec lui le roc sur lequel Jésus ne cesse de bâtir son Église. Certes on pourrait croire en ce moment que cette Église s’effondre au lieu de grandir, mais nous ne sommes ni les architectes ni les maçons, nous ne sommes pas chargés de bâtir l’Église, mais simplement, d’écouter et d’accueillir ce que Jésus va nous en révéler. Et puisque nous sommes Pierre, laissons-nous tirer par la ceinture vers la bonne année qui commence.

 

Père Jacques Mérienne, vicaire à Saint-Eustache