Nuit Blanche 2024 : Outre-Mer, le monde au-delà des océans.

Saint-Eustache accueille Pol Taburet, 27 ans, figure reconnue de la nouvelle scène artistique française.

Une expression de la crucifixion totalement différente de celle de Vincent Gicquel qui, tel un Caravage, utilise la tension des muscles pour rendre humain le Christ dans la souffrance, jusqu’à l’universalité.

 

Avec My Eden’s pool, Pol Taburet explore l’héritage spirituel du quimbois (terme créole guadeloupéen) proche du vaudou, fortement nourri de christianisme. Tous ses tableaux à consonance religieuse expriment une violence contemporaine, mais aussi celle de l’histoire de l’esclavage.

La crucifixion était le sort dévolu aux esclaves dans le monde romain. Sans être une méthode d’exécution, elle a eu un équivalent dans le châtiment des esclaves des Antilles : l’enlacement autour d’un arbre épineux, le fromager.

Ici, les bras en croix sont ceux d’une forme féminine, les mains transpercées et réunies par un voile rose, soulignant la féminité du sujet, un corps noir déhanché comme dans nombre de tableaux de crucifixion, les pieds non sur une croix, mais plongés dans un bain de sang, élément de certains rites quimbois.

À ses côtés, un visage à plat, qui reprend le thème de la Sainte Face ou Voile de Véronique. Mais la bouche est ouverte, les dents brillent de diamants, les grillz des rappeurs, et le visage se singularise par son nez rouge. Les références à l’art classique et contemporain sont multiples.

Provocation ? Non. La crucifixion des femmes a existé, ainsi sainte Julie, jeune fille noble vendue comme esclave, martyrisée en Corse est toujours vénérée dans l’île, mais aussi à Brescia, où sont conservées ses reliques. Pol Taburet a peut-être puisé son inspiration dans le tableau du Crucifiement de sainte Julie de Jérôme Bosch (1501) au palais des Doges. Un hommage aussi aux mères qui transmettent une culture ?

Et le nez rouge ? Celui du clown qui vocifère et parle d’humanité. Georges Rouault en a fait une figure de Christ.

Cette œuvre religieuse, intrigante est proprement créole par sa source et sa forme : un langage artistique mêlant la culture occidentale à celle des esclavisé.es noir.es.

 

Michel Micheau, Collège visuel de Saint-Eustache

 

(Photo : My Eden’s pool, crédit Margot Montigny)