Si nous nous acceptons joyeusement comme bénéficiaires de la Création, nous pourrions être plus réticents à en assumer le soin et la responsabilité en faisant alliance avec elle. Le pape François souligne, en résumant son propos dans Laudato si’ au §83 la poursuite de la création avec toutes les créatures : “La fin ultime des autres créatures, ce n’est pas nous. Mais elles avancent toutes avec nous et par nous, jusqu’au terme commun qui est Dieu, dans la plénitude transcendante où le Christ ressuscité embrasse et illumine tout, car l’être humain doué d’intelligence et d’amour, attiré par la plénitude du Christ, est appelé à reconduire toutes les créatures à leur Créateur.”
Mais si nous sommes fascinés par notre propre capacité collective à transformer le monde, si nous vouons une sorte de culte à cet accroissement de puissance (LS) dont nous admirons le spectacle à travers des images toujours nouvelles, nous invisibilisons la nature. Elle nous apparaît comme une toile de fond, un décor passif, un simple stock de ressources.
“Ne faites pas de mal à la terre ni à la mer, ni aux arbres…” (Jean, Apocalypse chap.7)
Les scientifiques nous avertissent eux aussi contre ce danger en nous proposant de nous tourner vers nos alliés naturels. Pourquoi ? Entre autres raisons, parce que les nécessaires progrès de l’efficacité énergétique et de la sobriété seront insuffisants pour stabiliser les températures. Les puits de carbone terrestres en bonne santé et régénérés comme les forêts et les sols agricoles sont indispensables ; nous mesurons leur dégradation*.
À nous de renouer les bonnes alliances.
Ainsi, nous avons partie liée avec les arbres ; nous savons aujourd’hui qu’en tant que primates, c’est sur leurs branches que nous avons acquis la position verticale il y a 65 millions d’années en cueillant des feuilles et des fruits. Soutenons-nous les politiques en faveur des forêts ?
Que choisissons-nous de manger, sachant que notre alimentation détermine la qualité des sols (enrichis en matières organiques ou non) et de l’atmosphère, le bien-être animal, la diversité des paysages agricoles et nos flores intestinales ?
De manière générale, quelle place nos pratiques quotidiennes laissent-elles aux autres créatures ?
A cet égard, les pratiques artistiques contemporaines nous interpellent. Nombre d’artistes composent avec le végétal ou les animaux. Citons seulement ici G. Penone pour son travail avec des arbres en croissance (1967), visible en ce moment à la Bourse de commerce, et Thomas Saraceno pour son exposition de 2018 au Palais de Tokyo, où des araignées tissaient leurs toiles sous les yeux des visiteurs.
La liste de ces artistes, trop longue, le montre : la création se poursuit par des alliances inédites avec le vivant.
Le groupe Église verte de Saint-Eustache
*Philippe Ciais (CEA, Académie des sciences) observe que le puits de carbone forestier de l’hémisphère nord a baissé de 35% minimum depuis 2015.
Marc André Sélosse (MNHN) estime que les sols européens ont perdu 50% de leurs matières organiques depuis 1970.