« Lève-toi, sois éclairée, car ta lumière arrive, et la gloire du Seigneur se lève sur toi. » Isaïe 60:1

Bonheur de retrouver chaque année les grands poèmes du prophète Isaïe (et de ses successeurs rassemblés sous son nom dans le Livre d’Isaïe) qui crient et chantent l’espérance du peuple de l’alliance. Ils ont rythmé ce temps de l’Avent pour nous aider à entendre la joie toute fraîche de l’annonce de Noël : « Un enfant nous est né ! Un fils nous est donné. » Malgré nos résistances personnelles parfois à la patience ou à l’émerveillement.

Si depuis la nuit des temps l’humanité essaie de se frayer un chemin vers le monde divin, un idéal supérieur, si elle se met sans cesse en quête d’absolu, et cherche à tâtons la lumière au cœur des nuits de ce monde, à travers de multiples traditions religieuses ou philosophiques, en revanche pendant l’Avent et à Noël nous découvrons que c’est l’inverse qui nous est offert : c’est notre Dieu qui vient mystérieusement à nous pour nous ouvrir un destin nouveau, en Jésus-Christ. Un dieu impensable. C’est la grâce de l’incarnation qui nous surprend, reconfigure tout, et simplifie notre cœur en rendant vaines toutes les idoles que nous nous forgions de Dieu : un dieu utile, un dieu-garantie, assurance tous risques contre les épreuves de la vie, un dieu qui viendrait combler nos manques ou nos frustrations, qui viendrait se porter caution de nos projets, un dieu confortable et complaisant, aux idées lisses et prévisibles pour des consolations bon marché – un faux dieu si décevant pour tous ceux qui ont soif du vrai Dieu et de sa vie inépuisable.

Nous nous imaginons souvent un Dieu qui serait l’exact opposé de ce que nous sommes : infini quand nous sommes finis, éternel parce que nous sommes mortels, très pur parce que nous serions menacés par l’impur… À Noël ces catégories volent en éclats et Dieu se laisse rencontrer à notre hauteur. Et même comme un enfant (infans : « sans parole »), lui le Verbe de vie. Un Dieu qui ne fait pas de différence mondaine entre un berger et un roi mage.

Dans la période si éprouvante que traversent bien des endroits de notre monde, en particulier cette Terre sainte que le Seigneur a bénie par le mystère de sa Nativité, nous nous interrogeons cruellement et la parole retranscrite par le psalmiste nous revient : « Où est-il ton Dieu ? » (Psaume 42). L’heure est une fois encore venue de prendre au sérieux ce que notre Dieu veut nous dire à travers le mystère de l’enfant de la crèche. Nous qui rêvons de toute-puissance dans nos fantasmes religieux, il nous faudra nous attarder longtemps à contempler cet enfant qui vient à nous désarmé, désarmant, et les mains nues, pour comprendre la toute-faiblesse et la toute-innocence de Dieu (au sens premier : c’est-à-dire son incapacité radicale à nuire), sa totale non-puissance si ce n’est à aimer encore et toujours, contre les logiques de violence, de vengeance et de mort.
Que Noël nous donne le goût de notre rencontre avec ce Dieu-là !

 

Jérôme Prigent, prêtre de l’Oratoire

(Illustration : Astre, oeuvre de Clara Daguin, exposée à l’église Saint-Eustache jusqu’au 16 janvier 2023, photo Béryl Libault)