La création contemporaine à l’église Saint-Eustache

Depuis les années 1990, de nombreux artistes sont intervenus dans l’église, de Christian Boltanski à Bill Viola. Des œuvres de Keith Haring, Raymond Mason, John Armleder y ont été installées dans une volonté d’accompagner les interrogations de ces artistes sur la destinée humaine et la compréhension du monde contemporain. Chaque année, Saint-Eustache s’inscrit dans le parcours de la « Nuit Blanche ». Entre « la pesanteur et la grâce » Pour une lecture de l’œuvre de Dhewadi Hadjab à la lumière de Saint-Eustache. Objet du mobilier liturgique, le prie-Dieu est apparu dans l’église vers le XVIème siècle. Signe de foi et de prière, il a pu aussi avoir le statut d’un privilège social avec l’ajout du nom de son propriétaire ou bien l’apport de paillages, de capitons ou de coussins qui lui donnent encore l’occasion d’être proposé dans des ventes aux enchères publiques. Avec ces deux grandes peintures, conçues pour Saint-Eustache, Dhewadi redonne une présence visible à cet élément de plus en plus absent de nos églises et, pour ne pas dire, en voie de disparition. On prie Dieu debout, parfois agenouillé à même le sol comme au Moyen-Âge mais, il va sans dire, toujours dans un geste de respect, voire de soumission qui donne sa valeur à l’acte.

Il y a dans ces deux œuvres l’irruption d’une gestualité étonnante qui pose question. L’attitude du personnage apparait d’emblée parfaitement anachronique car le corps, oubliant le rituel ordinaire, développe ses propres attitudes. Pourtant en saisissant ces postures qui nous interrogent, Dhewadi renoue avec la longue tradition des descentes de croix qu’il a beaucoup étudiées : pensons à celles de Giovanni Bellini ou bien de Sandro Botticelli qui fixèrent dans l’instant l’abandon d’un corps isolé dans l’espace et soutenu par sa mère et ses proches. Si ici le déséquilibre du personnage provoque bien un non-sens, il évoque aussi une chute qui n’aura pas lieu : avec élégance, le corps est parfaitement maitrisé et maintient un équilibre souple et gracieux. Et c’est bien là le paradoxe qu’expriment ces deux grandes toiles, une tension entre la chute et le maintien dans l’espace, entre les manquements à la lumière et la grâce de l’élévation. Le prie-Dieu, métaphore des points d’appui de la danse, offre au corps la possibilité de s’élever vers un autre langage, celui de l’âme et, à sa façon, Dhewadi redonne du sens à cet objet symbolique de la prière. Toute œuvre est un questionnement qui invite au dialogue celui qui la regarde. Face à ces deux peintures silencieuses, il est donc permis de sentir comme une invitation à transcender le sensible et la fragilité de l’incertitude. Elles nous révèlent alors que c’est de notre capacité à rompre avec le monde du sens et à maitriser notre pesanteur que peut
naître la grâce.

Françoise Paviot, chargée de l’art contemporain à l’église Saint-Eustache

 

Jeudi 7 octobre 2021
Vernissage et cocktail de 18h30 à 21
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Présentation par le commissaire Gaël Charbau et l’artiste à 19h

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