Les dessins qui étaient au sol de l’atelier -on voit quelques traces des semelles qui les ont écrasés- ont été relevés et disposés sur les piliers à hauteur de regard, deux par deux, comme des miroirs. Ces dessins, une fois exposés, ont changé de statut, ce ne sont plus de simples esquisses. Ils ont trouvé leur achèvement dans la peinture que l’on voit désormais dans l’église de Trévérien. À Saint-Eustache, qui accueille la force du figuratif en art, loin d’une abstraction adoptée par l’Église depuis des décennies, ces œuvres sur papier ont acquis une nouvelle vie et leurs couleurs permettent de voir autrement les piliers blancs. Dans ce face-à-face totalement humain, le visiteur ne peut esquiver ce qui se joue dans l’œuvre.
La vigueur du trait n’a pas pour but de représenter, mais, avec le langage d’aujourd’hui, de figurer le mystère exprimé, celui que tout visiteur pressent en entrant dans une église.
Dans cette série, la première image créée a été un Christ en croix, de trois quarts et de dos, surprenant comme un Caravage, la tension des muscles le rend humain dans la souffrance, l’universalité est ici présente. « Je voulais montrer le visage du Christ sans le reste. » Le visage dans la montée au calvaire a bien des traits de l’artiste, un autoportrait en miroir de celui qui regarde. On n’y échappe pas.
La dernière image est celle de la rencontre avec les femmes, l’expressionnisme pour dire la douleur, celle que nous connaissons parfois. Les couleurs disent l’incertitude : « Les rouges ressemblent à de l’orange, les bleus aux verts, Marie garde son bleu, Simon porte le vert de l’espoir », Ponce Pilate de dos n’a pas de couleur.
La série est faite de singularités humaines et d’universel, elle nous tient par la main ou par le regard, elle nous élève dans l’accompagnement de Celui qui a été relevé, de Celui dont nous sommes une esquisse, parfois.
Michel Micheau, membre du Collège visuel de Saint-Eustache