Ça y est il est monté au ciel ! Les disciples n’en revenait pas, il a fallu que des anges viennent les secouer ces pauvres femmes, ces pauvres hommes : mais vous attendez quoi ? Rien, ils sont sous le coup de la surprise, et surtout de la perte. Vont-ils rester sidérés ? Vont-ils céder à la tentation du vide ? Juste revenus de la solitude du deuil qu’ils avaient vécu après la mort de Jésus sur la croix, les voici affrontés à une disparition encore plus radicale : même plus de corps ! Même plus de tombeau ! Jésus avait refait quelques apparitions mais désormais ils en sont sûr c’est une absence qui risque de durer. Bien sûr qu’il fallait cette absence du corps de Jésus pour qu’ils puissent faire place dans leur cœur à l’Esprit qu’ils allaient recevoir. Mais ce sont des hommes et des femmes comme les autres, finalement ils ne peuvent pas se passer du corps. Ils vont le rechercher… et le retrouver.
D’abord dans le geste tout simple de partager le pain et le vin. Un geste de mémoire que Jésus leur a légué, un geste que de toute façon ils auraient fait (il faut bien manger) un geste qui était donc déjà présent dans leur vie. Mais désormais ce geste-là devient dynamique, ce présent-là devient ouvert. Ils se nourrissaient pour vivre, mais cette nourriture-là, ils vivent pour s’en nourrir. Ils se rassemblent pour s’en nourrir, ils la créent et la partagent en communauté, ils partagent le corps qu’ils ont retrouvé, recréé, et ils se découvrent devenant ce corps à leur tour. Quand quelque temps plus tard ils recevront l’Esprit, c’est dans leur corps commun qu’ils le recevront.
Un homme de chair est monté au ciel, il a permit à ses frères et sœur restés derrière lui de devenir une seule chair. On dit cela du mariage, mais le mariage est le signe de ce qui se passe entre l’Église et le Christ. Quand on est autant dans le temps et dans la chair que ne l’étaient les disciples, on n’est pas dans un mythe, pas dans une légende, pas dans une belle histoire. Comment tout cela s’est-il passé à l’époque, les historiens et les exégètes en débattent. Mais est-ce vraiment à eux de nous dire la vérité de l’Église que nous sommes tous en train de vivre ensemble dans notre chair ?
Jacques Mérienne, prêtre du diocèse de Paris, paroisse de Saint-Eustache