Y eut-il jamais temps tranquilles ? Si peu qu’on ait lu d’histoire, il semble bien que non. Aussi bien à notre tour traversons-nous notre part d’ « intranquillité » si l’on veut préférer ce mot, moins familier et donc peut-être plus doux, à celui d’inquiétude dont les harmoniques, par trop connues, finissent par nous fatiguer l’âme.
C’est pourtant vrai qu’il n’est pas facile de trouver – ni de garder – ses marques au fil du développement de la crise sanitaire. La désinvolture à l’égard d’un danger bien réel encore qu’insaisissable serait assurément fautive. Mais le risque n’est guère moins grand de laisser filer et de se laisser aller au renoncement dans lequel se dissoudraient aisément liens et projets, joie d’être et d’avancer ensemble.
Le pire serait sans doute de suivre la dangereuse pente de Qohélet . Je cite : « Vanité des vanités, disait Qohélet. Vanité des vanités, tout est vanité ! (…) Une génération s’en va, une génération s’en vient, et la terre subsiste toujours (…) Ce qui a existé, c’est cela qui existera ; ce qui s’est fait, c’est cela qui se fera ; rien de nouveau sous le soleil (…) Mais, il ne reste pas de souvenirs d’autrefois ; de même, les évènements futurs ne laisseront pas de souvenir après eux ». Décidément ce n’est sûrement pas sur l’Ecclésiaste qu’il faut compter pour se remonter le moral ! Mais, au vrai, est-on condamné à ce désabusement et à ce fatalisme ? Sûrement pas.
Le quotidien nous est donné, si inconfortable qu’il soit. Et il n’est pas vide : ni de temps de célébration partagée, ni de projets ou de désir de construire, ni de services multiples à rendre de mille et une façons aux uns et aux autres. Bref, à côté de ce à quoi il faut parfois surseoir, il y a aussi beaucoup à faire et beaucoup qui se fait. Le quotidien présent peut se traverser autrement qu’en ne voyant que le verre à moitié vide (l’évanescence de toute chose) et en considérant aussi le verre à moitié plein (la consistance bien réelle de ce que l’on fait maintenant, ici et ailleurs, pour préparer demain).
Puisqu’intranquillité il y a, vivons-la donc ensemble, au pas à pas, en ayant garde de préserver une force précieuse : notre commune sérénité.
Gilles-Hervé Masson OP., vicaire de Saint-Eustache