Messe chrismale 2017
Aujourd’hui, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres, la libération aux captifs (Luc 4, 18). Cette Bonne Nouvelle, c’est aujourd’hui qu’elle se réalise. L’église ne trouve pas son dynamisme en étant « autocentrée » sur elle-même ; elle est un peuple envoyé en mission au cœur de ce monde.
Notre société est marquée par de nombreuses détresses, les différences entre les riches et les pauvres sont de plus en plus grandes. À l’heure où nous pouvons être au courant de toutes les situations que traverse le monde, nous ne pouvons ignorer les cris de souffrance de nos frères et sœurs migrants arrivant en France, de ceux qui souffrent de la faim en Afrique, des chrétiens persécutés en Orient, en Égypte et dans tant d’autres pays. Lorsque le Seigneur parle à Moïse dans le buisson ardent, il dit son attention à la situation de son peuple : « j’ai vu, j’ai vu, j’ai entendu les cris de mon peuple ; alors va, je t’envoie. » Notre Dieu n’est pas un Dieu insensible aux souffrances des hommes d’aujourd’hui : Il nous envoie porter la Bonne Nouvelle du Salut, guérir ceux qui sont blessés, consoler les cœurs affligés. La question qui se pose alors à nous est celle de l’insensibilité : comment se fait-il, alors même que nous sommes conscients que nous avons à changer de manière de vivre pour permettre plus de justice dans le monde, que nous demeurions insensible à la situation que traverse tant d’hommes et de femmes aujourd’hui ? Cette insensibilité collective se manifeste aussi bien dans les difficultés que nous avons à changer notre rapport à la création pour mettre en œuvre l’encyclique Laudato si’, qu’à ne pas fermer les yeux sur cette mer Méditerranée qui est devenue le plus grand cimetière marin. Cette souffrance des hommes d’aujourd’hui, elle se manifeste aussi dans celle de beaucoup de jeunes qui ne trouvent pas leur place dans la société, ne serait-ce qu’en raison du chômage, mais aussi du drame de la solitude que traversent tant de nos contemporains.
Dieu entend les cris de son peuple. Alors il nous envoie porter la Bonne Nouvelle aux pauvres. Notre Église ne trouve son identité qu’en répondant à l’appel du Seigneur à oser la mission.
Cet appel à la mission, nous essayons d’y répondre depuis de nombreuses années. Avec notre Archevêque, nous rendons grâce pour les nombreuses paroisses qui, depuis des années, répondent à l’appel d’Hiver solidaire. Vous êtes des centaines à avoir aidé plusieurs centaines de sans-domicile à dormir au chaud durant les hivers derniers. Nous rendons grâce aussi pour la générosité de ceux qui se sont engagés dans l’accueil des migrants particulièrement dans les quartiers du 18e arrondissement et de Stalingrad. Le visage de la charité dans Paris est le beau visage du Christ qui se reflète dans la pauvreté et la simplicité de nos actions.
Depuis le début de l’année, à la demande du cardinal André Vingt-Trois, nous avons commencé une visite pastorale des catéchismes de chaque paroisse parisienne. Nous voulons aussi rendre grâce pour ces centaines de catéchistes qui, semaine après semaine, rendent témoignage de l’espérance qui est en eux et transmettent le trésor de la parole de Dieu à la génération à venir.
Cependant, l’annonce de cette Bonne Nouvelle exige de chacun d’entre nous l’apprentissage d’une capacité de dialogue et d’expression de notre foi. Dans le pluralisme des cultures et des religions qui se côtoient dans notre ville de Paris, dans cette ville où beaucoup n’ont jamais entendu parler du Christ et encore moins de sa miséricorde ou de sa résurrection, nous ne pouvons pas taire l’espérance qui nous fait vivre. Comment annoncer à ce monde la mort et la résurrection du Christ ; le salut qui vient de Dieu ? La charité en est sûrement le chemin. Cependant, lorsque Dieu ouvre la porte de la foi, il nous faut annoncer la Bonne Nouvelle du Salut. Pour cela, il est urgent que nous nous aidions mutuellement, peuple de Dieu, à avoir les mots qui vont rendre compte de notre foi. Trop souvent, devant les questions ayant trait à l’identité du Christ, au pardon, à la résurrection, nous sommes muets ne sachant pas formuler ce qui nous fait vivre. La capacité du dialogue et de la rencontre de l’autre passe aussi par cette liberté intérieure d’être capable de dire la Bonne Nouvelle du Christ avec nos propres mots et en fonction de notre histoire personnelle. Nous devons nous soutenir les uns les autres sur cette route. La formation en est le chemin. La Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.
Dans la situation politique que nous traversons, beaucoup de nos contemporains attendent le Salut de ceux qu’ils vont élire. Face aux nombreuses inquiétudes et détresses que notre monde traverse, ils attendent des élus un monde meilleur. L’annonce de la Bonne Nouvelle du Christ ressuscité vient comme recentrer chacun sur cette question du Salut. De quoi voulons-nous être sauvés ? De quel Salut parlons-nous ? Qui nous fera voir le Salut ? Sur nous, Seigneur, que s’illumine Ta face. Le salut dont nous sommes témoins est pour tous, il est réconciliation et miséricorde. Puissions-nous en être les témoins dans les temps qui viennent. Nous ne devons pas laisser réduire le Christ à un salut purement humain.
Le contexte de ce que nous vivons, nous manifeste une réelle attente du salut, de l’annonce de la Bonne Nouvelle, de la part de nos contemporains. Dans cette situation, nous ne pouvons pas nous laisser enfermer par un conformisme culturel. Dans un monde de consensus, le Christ nous appelle à être des disciples missionnaires. Il nous invite à sortir de nos cercles et à vivre la joie de l’annonce de l’Évangile. Le monde est en attente du Christ. La mission n’est pas une action individuelle, c’est une œuvre d’Église où chacun surmonte ses propres faiblesses. Ne nous laissons pas voler la joie de l’évangélisation.
Dans quelques instants, nous allons bénir les saintes huiles. Les plus de 500 adultes et jeunes de notre diocèse qui vont recevoir les sacrements de l’initiation chrétienne au cours de ce temps de Pâques sont le signe visible d’un monde qui attend le Christ. Recevant l’onction du saint Chrême, ils recevront le don du Saint Esprit pour être configuré au Christ prêtre, prophète et roi. Le Seigneur les rendra participants de la mission du Christ en annonçant la bonne nouvelle de la liberté que Dieu nous donne.
Au mois de juin, des jeunes hommes recevront de notre Archevêque l’ordination sacerdotale dans cette Cathédrale. Le sacerdoce ministériel est donné à l’église pour aider tout son peuple à répondre à son appel. Comme chacun d’entre nous, prêtres, ils sont appelés au témoignage de l’absolu de l’amour de Dieu. Dieu a confié son peuple à son fils bien-aimé le Christ. Il est le bon berger. Le bon Pasteur confie son peuple à des hommes appelés à être ses prêtres, collaborateurs des évêques. Aujourd’hui, évêques, prêtres, diacres nous allons renouveler les promesses de notre ordination. Avec vous, nous rendons grâce pour l’appel que le Seigneur nous a fait et nous lui demandons la force de son Esprit Saint pour continuer à lui répondre dans la fidélité, la charité et la persévérance.
Au nom de notre Archevêque, je vous assure de notre reconnaissance pour votre réponse à la mission qui vous est confiée et pour le dévouement que vous manifestez pour le peuple de Dieu. Dans les temps difficiles que nous vivons, votre réponse fidèle à l’appel de Dieu et votre engagement dans la pauvreté, l’obéissance et la chasteté est un grand témoignage. Il est un signe d’espérance pour le monde. Cette modalité de vie dans notre monde est d’une grande ascèse mais c’est aussi une grande joie, celle du Royaume de Dieu. Et vous tous, fidèles du peuple de Dieu, je vous invite à prier pour les prêtres parce que nous sommes de pauvres hommes qui doivent annoncer, par la seule force de l’Esprit Saint, la miséricorde du Seigneur. Le Seigneur continue à appeler des hommes à être les prêtres de demain. De nombreux jeunes se posent la question de leur vocation, de ce qu’ils peuvent faire de leur vie. L’appel à devenir prêtre est un appel au bonheur. Ne fuyez pas cet appel. L’appel à servir le peuple de Dieu par la charité et les sacrements est une grande joie. Pour les générations à venir, il est important d’oser le « oui » à cet appel du Seigneur.
En vous renouvelant notre reconnaissance, à vous prêtres, diacres, consacré(e)s, familles, jeunes mariés, et à vous tous qui vivez cette exigence de l’Évangile, en ces jours où nous entrons dans le triduum Pascal, nous demandons au Seigneur, les uns pour les autres, la joie du Royaume et la force d’annoncer cette bonne nouvelle du salut pour tous nos contemporains. Mettons nos pas dans les pas du Christ. Avec lui nous vivrons.
Bonne fête de Pâques à tous.
+ Jérôme Beau,
évêque auxiliaire de Paris