Homélie de Stanislas Lalanne, 3e dimanche de l’avent

Saint-Eustache, 15 décembre 2024

 

 

« Que devons-nous faire ? », demandent les foules.

« Que devons-nous faire ? », questionnent des collecteurs d’impôts.

« Que devons-nous faire ? », interrogent encore des soldats. La question, insistante, revient trois fois !

 

Une même question, formulée par des personnes fort différentes :

  • soit les anonymes d’une foule, probablement des gens de bonne volonté,
  • soit, plus surprenant, des fonctionnaires redoutés pour leurs abus de pouvoir ou leurs « prises illégales d’intérêt » comme on dit !

 

Tous sont touchés par le témoignage de Jean le Baptiste et par la claire vigueur de ses propos « Convertissez-vous, dit-il, et produisez des fruits qui témoignent de votre conversion ! »

 

Avec humilité mais aussi avec audace et franchise, Jean bouscule et réveille les consciences : beaucoup reçoivent alors un baptême d’eau, premier signe d’une conversion des comportements et des cœurs.

 

Beaucoup, car « tout le peuple était en attente », précise Luc, et « tous s’interrogeaient. »

  • Légitime attente des pauvres en quête de jours meilleurs. C’est bien l’intuition, il y a 40 ans, du Père Denis Perrot prêtre de l’Oratoire, qui lance cette modeste initiative au départ, un premier soir, fin 1984. Maintenant forte de tous ces nombreux bénévoles…
  • Salutaire attente des riches, tristement encombrés de leur trop plein. C’est pareil aujourd’hui…
  • Patiente attente des croyants qui, dans la nuit, guettent l’aurore. Combien sont-ils aujourd’hui également ? Quelle est leur soif ? Quel est leur manque ?

 

Attente encore des collecteurs d’impôts et des soldats, ces gens craints et méprisés et qui se sont laissés émouvoir. N’espèrent-ils pas, eux aussi, un peu d’estime et un peu d’amour ? N’aspirent-ils pas, eux aussi, à mettre leur conscience en paix et à goûter, enfin, au bonheur de faire le bien ?

 

A questions simples, mais sincères, réponses simples, mais exigeantes de Jean-Baptiste.

 

Aux membres de la foule, Jean ne fait que rappeler la pratique de la plus fondamentale des règles sociales, qui est d’aimer et de partager :

« Que celui qui a deux vêtements partage avec celui qui n’en a pas… de même pour la nourriture ! »

 

C’est bien ce que vous expérimentez ici depuis 40 ans. Partage du repas, mais aussi partage fraternel, quelles que soient les convictions religieuses des uns et des autres… La foi vive se joue là, à fleur de visage.

 

L’Evangile de ce jour n’a pas été choisi pour la circonstance ! C’est celui que la liturgie nous propose en ce troisième dimanche d’Avent, mais avouez qu’il résonne fortement en cet anniversaire de la Soupe de Saint-Eustache !

 

Aux collecteurs d’impôts, Jean le Baptiste leur dit avec force : ne trichez pas avec vos comptes. Et aux soldats : n’abusez pas de votre force !

 

Ces hommes, ces femmes, venus de partout, aujourd’hui, c’est nous tous. Ce sont les 350 bénévoles mais aussi tous ces invités, c’est ainsi que vous les nommez et c’est très beau…

 

Vous êtes appelés à être témoins du Christ par un art de vivre et un sens du service, qui ont la saveur de l’Evangile. Qui le fera si ce n’est pas vous !

 

Alors, acceptez de vous poser, à votre tour, la même question que les interlocuteurs de Jean Baptiste : « Que devons-nous faire ? »

 

Il leur dit, il nous dit, trois choses :

 

Pratiquer le droit et la justice, tout d’abord.

 

Quels que soient nos études, notre métier, notre pouvoir, notre âge ou notre place dans la société, remettons au centre de nos préoccupations et de notre comportement, comme une loi morale inscrite en notre cœur, l’attention à chaque être, en particulier le plus faible et le plus démuni.

Vous en êtes ici les artisans par cette œuvre.

 

Pratiquer le droit et la justice, c’est également avoir le souci du bien commun, l’accomplissement, sans tricherie, de notre tâche quotidienne.

 

Etre artisans de paix, ensuite.

 

« Heureux les artisans de paix », proclame Jésus. Que de violences et de menaces ! L’actualité récente nous apporte son lot de violences, de drames, rendant l’avenir incertain.

 

Et que dire de nos rancunes et de nos poings fermés, de nos interminables vengeances, de nos pensées et de nos paroles parfois assassines ?

 

Les champs de bataille sont innombrables et se cachent souvent au plus secret de nos cœurs !

 

Il est urgent de faire la paix, mais pas n’importe comment. Elle demande de notre part un vrai travail de respect du droit et de la justice, un patient travail de vérité et de réconciliation.

 

Ces repas partagés sont aussi l’occasion de parler, d’échanger entre bénévoles et invités.

 

Enfin, retrouver la joie.

 

C’est le signe que Dieu est en nous, que chacun s’est retrouvé avec le meilleur de lui-même, que nous avons du bonheur à être ensemble.

 

« Pousse des cris de joie, fille de Sion, le Seigneur ton Dieu est avec toi ! Tu n’as plus à craindre de malheur », s’écrie le prophète Sophonie.

 

Et le psaume : « Exultant de joie, vous puiserez les eaux aux sources du salut. »

 

Et saint Paul d’insister auprès des Philippiens : « Laissez-moi vous le redire : soyez dans la joie, le Seigneur est proche ! » Dans sa lettre aux Galates, saint Paul évoque les fruits de l’Esprit Saint. Et parmi ceux-ci, la joie !

 

Oui, la joie exprime notre bonheur de devenir plus vrai et plus juste, d’aimer et de faire la paix : c’est la joie de Dieu, joie partagée, qui dilate le cœur et nous relie les uns aux autres.

 

C’est bien ce qui vous anime dans cette paroisse depuis longtemps, non seulement avec la Soupe mais également avec la Pointe Saint Eustache qui permet ces temps si précieux d’échange et de convivialité. Chers amis, voilà ce à quoi nous sommes invités : la justice, la paix, la joie !

 

Je conclus : vous êtes appelés à devenir des Jean-Baptiste, c’est-à-dire ceux qui désignent le Christ autour d’eux, dans leurs lieux de vie, d’études, de travail, de loisirs, et qui annoncent sa présence puis qui s’effacent. Amen.