Les temps que nous traversons fournissent à « ceux qui savent » l’occasion de belles joutes. On en rira dans quelques temps quand les certitudes et les affirmations toutes réversibles auront regagné le lit d’une réflexion sereine. Cela prendra du temps, et tant mieux, la recherche scientifique comme la conduite d’une vie nécessitent de prendre son temps, dans l’une comme dans l’autre, les gens pressés finissent dans le fossé. Et c’est pareil dans le domaine de la religion, j’ajouterai « surtout dans la nôtre ! », où le doute est tout aussi important que le savoir, et cela dès l’origine, dès la prédication de Jésus. Sa parole était parole de vérité, reconnue comme telle par ceux qui l’écoutaient, mais jamais parole définitive et morte qui a perdu sa propre vitalité. Les mots morts ne réveillent personne.
Nous lisons aujourd’hui la Parabole des Talents. Un homme part en voyage et confie à ses trois serviteurs le soin de faire fructifier son bien. Il leur fait confiance de manière mesurée, fixant à chacun un objectif correspondant à ses compétences. Deux s’en acquitteront correctement en prenant les risques nécessaires car ils avaient confiance en eux, cette confiance étant renforcée par celle que leur accordait leur maître. Le troisième a vu sa confiance se métamorphoser en méfiance, il a eu peur, il n’a pas eu confiance dans la confiance que son maître lui faisait, il s’est réfugié dans l’immobilisme, et n’a pas rempli sa tâche. Confiance – méfiance, ce couple nous le croisons si souvent dans notre vie. Nous cherchons à le réduire en oubliant combien il est naturel. Ce méfier c’est accepter de ne pas maîtriser l’événement, n’est-ce pas plus fréquent dans nos existence que d’être sûr ?
Je mettrais volontiers en parallèle avec cette parabole des talents, que Jésus donne à ses disciple peu avant sa passion (dans Mt 25, 14-30), une page de Jean (Jn 20, 19-31) qui rapporte le doute de Thomas quand on lui apprend que Jésus est ressuscité. Il veut toucher la réalité pour savoir absolument si c’est bien Jésus qui est venu, mais quand la fois suivante Jésus le lui propose il croit sans toucher. Une autre foi, reposant pourtant sur le refus d’une preuve, s’impose à lui : la « présence » bien plus prégnante que la matière. Thomas en voyant Jésus a la foi, Jean en découvrant le tombeau vide a la foi (Jn20, 1-10), mais le troisième serviteur de la parabole n’a pas eu la foi, il n’a pas cru que la vie est plus forte que les précautions. On identifie le doute chez Thomas ou chez Jean, moins chez ce serviteur car c’est de lui-même qu’il doute, et non de faits extérieurs. Il n’accepte pas ce doute alors que son maître lui fait confiance.
Nous y voilà donc, avant d’être pris dans sa Passion, Jésus veut, non pas rassurer ses disciples, mais les prévenir : votre foi vous la fonderez toujours sur le doute. Et donc croire en moi sera toujours un risque. La grâce que je vous donne en me révélant à vous ne supprime pas le pas que vous avez toujours à faire dans l’inconnu. Vous serez toujours surpris vous-même de ce à quoi la foi en moi vous a mené. Si je vous avais donné des certitudes vous vous sentiriez obligés de punir tous ceux qui n’ont pas les mêmes certitudes que vous. Un pas fait dans l’inconnu avec un frère permet l’amour, un pas fait dans la certitude provoque la haine, « la loi tue, l’esprit vivifie (2Co 3, 6) ».
Nous ne sortirons pas en forme de cette crise si nous ne nous habituons pas à agir et à penser sans certitudes, si nous ne vivons pas avec le doute sans en être déstabilisés. Cette période d’incertitude est favorable à la confiance, au risque, à l’humilité. En effet nous dit saint Paul : « vous êtes tous des fils de la lumière, des fils du jour, nous n’appartenons pas à la nuit et aux ténèbres. Alors, ne restons pas endormis comme les autres, mais soyons vigilants et restons sobres. »
Avec cette deuxième séquence de confinement, l’impossibilité de célébrer avec la communauté présente, votre paroisse est privée d’une majeure partie de ses ressources financières régulières. La quête physique disparaît donc. Nous vous proposons une alternative pour donner à votre paroisse et vous remercions grandement de votre générosité.