Présentation du Seigneur au Temple, Ml 3, 1-4 / Ps 23 (24) / He 2, 14-18 / Lc 2, 22-40
Aujourd’hui, « Présentation du Seigneur ». Dans le calendrier liturgique c’est une fête mais comme c’est une fête du Seigneur, si elle tombe un dimanche, elle prend toute la place et nous prenons le temps de la célébrer de manière développée. Qu’est-ce que nous pouvons repérer et noter de cette fête ? Peut-être, la première chose et la plus importante, c’est que, dans la vie de Jésus, c’est son premier rendez-vous avec un espace qui va
compter énormément dans son parcours, à savoir, le Temple. Le Temple, il va y monter régulièrement, il va y prêcher régulièrement et surtout, le Temple, il aura un grand rendez-vous avec lui pour son Mystère pascal. Bien sûr, il sera crucifié hors les murs mais tout va se jouer entre lui et les grandes institutions de son temps, et tout particulièrement le Temple. J’aime bien le préciser parce que, comme Jésus ferraille pas mal avec les pharisiens, on peut parfois se laisser aller à penser que ce sont les pharisiens qui finalement ont, si l’on peut dire “eu la peau de Jésus’’. En fait, non ! Ce sont les Sadducéens, ce sont les hommes du Temple. Et vous vous
souvenez, notamment dans saint Jean, des formules si vigoureuses que Jésus a à l’égard du Temple : « Détruisez ce Temple et en trois jours je le reconstruirai. » On le lui rappellera, pour lui en faire grief, lors de son procès.
Et donc, Jésus a son premier rendez-vous aujourd’hui avec le Temple. Il y a de la part de Jésus — et d’abord de la part de ses parents, comme aussi de la part des justes que sont Syméon et Anne —, il y a le désir, vous l’avez entendu, de se conformer à la Loi de Moïse. Non pas dans une obéissance servile mais dans une démarche de foi profondément imprégnée d’Esprit, avec un grand E. Accomplir la Loi du Seigneur, faire la volonté du Seigneur : toute la vie de Jésus sera marquée par ce désir d’être à l’unisson de la volonté de son Père.
On a lu un segment de l’épître aux Hébreux, et dans cette épître (que nous lisons pas mal ces temps-ci notamment pendant les messes de semaine), vous vous souvenez peut-être de ce passage où il est dit : « Offrandes, holocaustes, tu n’en as pas voulu, mais tu m’as façonné un corps et j’ai dit : “ Me voici, Père, je viens faire ta volonté.’’ » (He 10,5) Et la volonté du Seigneur, elle est exprimée très clairement par saint Paul, la volonté du Seigneur, c’est que « tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. » Non pas une vérité théorique, non pas une vérité d’idées, non pas une vérité de concepts, mais une vérité d’amour.
L’amour de Dieu révélé dans le Christ Jésus, l’amour de Dieu porté par Jésus, pour notre bien, pour notre consolation — c’est un mot que l’on entend un peu aujourd’hui —, pour notre salut, pour nous remettre sur pied et pour nous aider à avancer.
Temple, offrande et ce mot qui peut-être ne nous plaît pas mais qu’au fond j’aime bien quand même bien rappeler : obéissance. « Obéissance », en latin « obaudire » : une écoute, une écoute de la Parole, de la volonté du Seigneur, une écoute qui accueille ce que le Seigneur propose et qui va jusqu’au bout d’elle-même avec le souci d’être vraiment effective et de porter un fruit réel.
Jésus, le Temple, l’offrande, l’obéissance : c’est la première chose sans doute qu’il faut noter. Et après, je me disais que — je passe un peu sur Joseph et Marie et je regarde vers Syméon et vers Anne. Deux personnages qui sont discrets, ils n’apparaissent que là dans l’Évangile, mais deux personnages qui nous représentent l’espérance, l’attente vive d’Israël. Et vous avez peut-être noté ce que dit le prophète Syméon, le vieillard Syméon qui est aussi un prophète. Je vous le lis ou je vous le relis : « Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël. »
Si je pouvais me permettre une suggestion, c’est une prière que vous pourriez graver dans votre mémoire pour la dire chaque soir. Chaque soir, en effet, on la dit à l’office de complies. Avant de se coucher, on se redit avec les mots du vieillard Syméon que le salut de Dieu nous l’avons reçu, nous l’avons vu, il s’est manifesté dans la personne du Seigneur Jésus et dès lors que nous avons reçu ce signe, cette attestation d’un amour qui ne se reprend pas, nous pouvons, comme le dit le vieillard Syméon, nous pouvons demeurer et nous reposer en paix. Cela ne nous dispense pas des adversités de la vie, mais au moins cela nous ré-atteste la force avec laquelle nous pouvons la traverser, cette vie qui est souvent si adverse.
Un mot quand même avant de conclure sur Anne, un mot sur Marie. Marie, elle aussi fait l’objet d’une parole de la part du vieillard Syméon. Il n’y a pas que Jésus qui fait l’objet d’une parole. Syméon indique que Marie sera associée très très étroitement à la geste de son fils : « Et toi, ton âme sera traversée d’un glaive. » Nous savons que Marie, elle est la mère du Seigneur, elle est aussi sa première disciple, elle l’accompagne, elle le suit, elle ira jusqu’au bout, elle ira jusqu’à la croix, elle ira jusqu’au Samedi saint. Marie, elle vivra avec compassion le chemin du Seigneur.
Tout ceci pour dire en passant que cette fête de la Présentation, elle a un peu des accents de dimanche des Rameaux. Le psaume aurait pu vous y faire penser. Lorsque l’on frappe à la porte pour l’ouvrir le jour des Rameaux, on chante ce psaume que nous avons entendu, le psaume 23 : « Portes, levez vos frontons, élevez-vous, portes éternelles : qu’il entre, le roi de gloire ! » Et lorsqu’il entre, le roi de Gloire, il va vers sa Passion, il va vers le Temple où son sort sera scellé.
Dernière figure. Je m’y arrête uniquement parce qu’on mentionne qu’il y a aussi, dans le décor, « une femme prophète, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. » Elle fait partie de ces anawims, de ces petits, de ces pauvres, qui ont consacré toute leur vie au Seigneur, qui ont consacré toute leur vie à la prière, à l’observance de la Loi. Et elle aussi, elle parle, elle prophétise sur l’enfant : « Elle proclame les louanges de Dieu » nous dit-on, « elle parle de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem. » On ne nous dit pas exactement ce qu’elle dit, on ne nous livre pas une prière comme pour Syméon, mais à tout le moins nous dit-on qu’elle reprend les mêmes thématiques : cet enfant qui est là, il est le Messie promis.
En célébrant l’eucharistie aujourd’hui, au jour de la fête de la Présentation du Seigneur, j’aimerais nous inviter à avoir cette confiance sereine qui est celle de Syméon et qui est celle de Anne. J’aimerais nous inviter à nous reposer dans la foi, une foi-confiance, ardente, offerte au Seigneur.
Et évidement, on ne peut pas non plus ne pas se rappeler que, si le Seigneur Jésus est offert aujourd’hui à son Père, et si le Seigneur dans sa Passion fera offrande de sa vie, nous avons vocation nous aussi, à être des êtres d’oblation, des êtres d’offrande et des êtres de partage, comme Celui que nous confessons et suivons.
AMEN