Cette séquence relate une attitude de Jésus pour le moins inhabituelle et qui peut nous surprendre. Comment le Christ peut-il maudire ? Si je m’en tiens aux faits, je le vois bien humain, il a faim, jusque-là ça va, mais voilà que ses dires et ses actions vont dépasser l’idée que l’on peut se faire du Fils de Dieu : il est agacé, car il ne trouve pas de quoi se sustenter alors qu’il pensait pouvoir le faire ; il est péremptoire, et injuste, car il s’en prend à un figuier qui ne peut pas porter de fruits hors-saison – comment peut-il l’ignorer ? – ; il est répressif, car il condamne cet arbre à la stérilité ; et ce Christ si attentif à nourrir les foules qui viennent l’écouter, souhaite que personne ne puisse trouver de quoi se nourrir sur ce figuier. Et la malédiction va porter des fruits – quant à elle – car l’arbre sera détruit jusqu’aux racines.
[Le vent commence à souffler dans les branches du figuier et la tempête va éclater sur les vendeurs du temple, violence inattendue et encore plus surprenante.]
Dans cet acharnement sur le figuier, je vois une allégorie : Jésus a faim de nous, de notre salut, de celui du monde, il s’enquiert de notre capacité à porter des fruits, et il n’y a pas de saison propice pour cela, c’est toujours le moment favorable de la fruition pour un disciple.
Craignons la déception qu’il éprouverait s’il ne trouvait rien en nous qui puisse contenter son attente, sa faim, et qui, par là même, ne pourrait nourrir notre prochain qui mérite de l’être. À quoi bon laisser se perdre la sève qui découle de sa Croix, de sa Résurrection, de son Esprit. Alors demandons en priant – et cela nous sera accordé à l’aune de notre foi – que nous soyons des disciples prolifiques, nous rappelant cette parole en Saint-Jean 15, 8 : Ce qui fait la Gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruits.
Jean-Marie Martin, prêtre de l’Oratoire à Saint-Eustache, Paris