La Toussaint c’est tous les vivants, les répertoriés et les anonymes, ceux qui regardent le Fils en face puisque durant leur vie ils l’ont découvert, ils l’ont écouté, ils l’ont accueilli, et ils l’ont aimé, ceux que le Fils a rencontrés, rejoints, rassemblés, appelés, et qu’il a aimés. Depuis le Moyen Âge, on les représente comme une foule nombreuse, serrée et attentive, mais atone. Pour eux le temps s’est arrêté une fois le bout du chemin atteint. L’image est fausse car nous sommes encore à l’aube du christianisme. Observez les nouvelles générations, pour elles la foi n’est pas encore dite, à leurs yeux, l’intérêt d’être croyant ne doit pas être hérité du passé, même sublime. Plus encore le fait d’être chrétien n’est pas très important, le souci du salut au sens d’éternité n’est pas une préoccupation, et tous les affrontements synodaux sur les rouages grippés de l’Église leur paraissent disputes de scribes. L’avenir spirituel des générations de quinze à quarante ans est aujourd’hui totalement imprévisible, mais il est entre leurs mains. Les réseaux sociaux qu’ils fréquentent assidument mais adroitement leur ont fait effacer cette image d’une foule obéissante rassemblée dans une écoute passive, au profit d’un peuple en marche, animé d’une multitude d’initiatives personnelles visant à construire une humanité fraternelle qui ne court pas après un salut octroyé tout fait, mais gagné par chacun et résultant du don de soi pour tous. L’actualité de notre monde chaotique et violent ne les décourage pas, au contraire. La Toussaint c’est tous les vivants qui vivent vraiment.
Jacques Mérienne, prêtre diocésain, vicaire à Saint-Eustache