La Saint Hubert, que nous fêtons cette année à Saint-Eustache le jour J (3 novembre), renvoie au saint patron de notre paroisse, Eustache. En effet, les deux saints, à six siècles d’intervalle (Eustache ayant la primeur), ont eu pour histoire commune de croiser sur leur route un cerf crucifère, et cette vision a provoqué leur conversion.
Le cerf est un animal à forte teneur symbolique. Que peut-on en dire ?
Dans l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien, le cerf a la réputation d’être un tueur de serpents. On pensait que, par son souffle, le cerf faisait sortir les serpents de leur trou pour les dévorer ; cependant, pour survivre, il devait trouver rapidement une source où s’abreuver et éteindre le feu du venin qu’il avait ingéré.
Les premières générations de chrétiens ont naturellement rapproché cette idée des mots du psaume : “Comme un cerf altéré cherche l’eau vive, ainsi mon âme te cherche toi, mon Dieu” (psaume 41, 2). Pour saint Augustin (comme pour d’autres Pères de l’Église), c’était l’image du futur baptisé (le catéchumène) qui désire l’eau vive que donne le Christ, comme en témoignent des représentations de cerfs s’approchant d’un grand vase (ou de sources) sur les mosaïques de baptistères de la fin de l’Antiquité.
Le cerf mangeant le serpent faisait aussi penser au Christ triomphant du mal. Le cerf fait ainsi partie du cercle restreint des animaux que l’on identifiait au Christ. Certains y voyaient même la raison pour laquelle le nom latin du serviteur (servus) – l’un des titres du Christ – était si proche de celui du cerf (cervus).
Avec ses bois qui chutent et repoussent chaque année, le cerf est aussi un être exceptionnel où les règnes végétal et animal se rejoignent. Pour les chrétiens, ce renouvellement annuel des bois du cerf évoque la mort et la résurrection, tandis que la ramure elle-même rappelle le bois de la croix. Tel un messager divin, le cerf est aussi celui qui guide et indique la voie à suivre aux personnes perdues : c’est ainsi un cerf qui, au cours d’une chasse, guide le jeune Dagobert vers le tombeau de saint Denis.
Le cerf fait aussi le lien entre le ciel et la terre. Relié au monde souterrain par sa dimension végétale, il reste l’animal capable de bondir vers le ciel. Aussi a-t-il souvent une fonction d’accompagnateur des âmes des défunts (psychopompe) vers le monde céleste, ainsi qu’un rôle dans les rites funéraires. La Chanson de Roland, par exemple, raconte que Charlemagne a fait envelopper le corps de son neveu dans une peau de cerf. Des pratiques que l’on retrouve aussi dans l’histoire : la dépouille de Clément VI (pape d’Avignon mort en 1352) comme celle Du Guesclin (mort en 1380) sont elles aussi ensevelies dans un cuir de cerf.
Avec tous ces éléments, vous ne regarderez plus de la même façon les chandeliers en forme de cerfs de l’église Saint-Eustache. Bonne fête de la Saint Hubert à tous !
D’après un article de Dominique Pierre paru dans La Croix le 5 mai 2024