Il est  si facile de laisser tomber… de dire  : “ce n’est pas pour moi”.

Les temps âpres que nous traversons, chacun à sa propre manière, nous mettent à l’épreuve. Que peut signifier un propos de « sainteté » dans ce monde en feu, si tourmenté ? C’est vers l’Évangile que l’on peut se tourner pour esquisser une réponse.

Il nous dit que la sainteté n’est pas un “à-côté” de l’existence. Elle n’est surtout pas tout ce qu’on invente pour, finalement, s’en dispenser… :  elle n’est pas la course pour appartenir à une élite de parfaits… Ceux et celles qui “y arriveraient” pendant que les autres, la masse,  pataugerait dans sa médiocrité, ses défauts, ses échecs, son relativisme, ses choix de vie non conformes… Que sais-je encore ?

Au vrai, la sainteté n’est pas une option. Le concile Vatican II l’a redit, elle est un appel adressé par le Christ  à tous et toutes, à chacun, chacune, selon ce qu’il ou elle est. Elle consiste à essayer de vivre selon les exigences de la justice et de l’amour. On ne le redira jamais assez : dans notre Église, il n’y a pas d’élite. Il n’existe que des gens qui font ce qu’ils peuvent, au mieux de leurs possibilités et de la détermination de leur engagement.

Une parole de la Didachè (texte des origines chrétiennes) dit tout : “Si donc tu peux porter le joug du Seigneur tout entier, tu seras parfait; mais si tu ne le peux pas, fais ce que tu peux” (Didachè 6,1). Et là est le secret : faire ce que l’on peut, tout ce que l’on peut… Car c’est sur l’effort d’une vie que l’on sera jugé bien plus que sur d’éclatantes réussites.

L’Évangile donne à entendre constamment l’impératif d’aimer : aimer Dieu à toute force et aimer son prochain comme soi-même. Et Jésus de préciser à l’occasion que c’est là l’alpha et l’oméga d’une vie à sa suite.

Chemin d’amour, chemin de sainteté… Deux noms pour un seul et même chemin. Il met chacun/chacune aux prises avec le mystère de Dieu, avec le mystère du prochain et avec son propre mystère. Il engage chacun/chacune à se décentrer en faisant droit, avec autant de générosité que possible, à ce qui n’est pas lui. Il engage nos communautés, nos familles, de même, à se faire fraternelles autant que possible, solidaires, ouvertes, accueillantes…

On ne répétera jamais assez que notre chemin de sainteté est d’abord, et aussi ultimement, un chemin d’humanisation : devenir chrétien c’est aussi devenir humain… Chemin d’humanité, Chemin de sainteté… Un seul et même chemin, au présent, parcouru avec le Seigneur, sous le signe des Béatitudes, forts de la force de la foi.

De toutes les Béatitudes, une en particulier peut se détacher par les temps qui courent : Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu. Alors qu’en cette fin d’année la vie du monde est grevée de tant d’incertitudes, un des visages attendus de la sainteté est l’engagement déterminé au service de la paix et au service de l’avenir. Cet avenir se prépare dans un engagement au présent, sans cesse renouvelé : le choix du Dieu révélé en Jésus Christ, le choix d’aimer.

 

Père Gilles-Hervé Masson, prêtre dominicain, vicaire à Saint-Eustache