Le P. Joseph Bouley a été curé de Saint-Eustache et supérieur de la communauté oratorienne pendant neuf ans, de 1974 à 1983. Il succédait à Jacques Zaigle, qui y avait été longtemps vicaire avant d’en devenir curé. Pour le P. Bouley, devenir curé de paroisse était pénétrer en territoire inconnu. Auparavant, il avait travaillé en collège, puis au Séminaire international de Strasbourg. Et il y arrivait dans de mauvaises conditions : ce que tout le monde appelait « le trou des Halles » bordait le flanc sud de l’église, allant de la Bourse du Commerce à la rue Pierre Lescot. Pour atteindre la partie sud de la paroisse, qui s’étend jusqu’à la rue Saint-Honoré, il fallait s’aventurer sur des passerelles étroites et d’aspect fragile, balayées par le vent et la pluie en hiver. Bien des personnes habitant de l’autre côté du trou n’osaient pas les franchir pour venir à l’église ; elles préféraient aller à Saint-Germain l’Auxerrois.
La station de RER n’existait pas, puisque le trou était destiné à la contenir. Sortir de la station Les Halles sur la ligne 4 du métro n’était pas non plus très engageant. Autant dire que le rayonnement de la paroisse sur l’agglomération parisienne, que l’on peut constater aujourd’hui, n’était guère favorisé. Cela dura jusqu’en septembre 1979, lorsque le Forum des Halles fut inauguré.
Certes, la messe de 11 heures, célébrée en latin et où se produisaient les Chanteurs de Saint-Eustache animés par le P. Martin, était un événement parisien depuis quelques décennies ; le P. Bouley en profita. Mais le grand orgue se tut à partir de 1977 pour être entièrement reconstruit. Les amateurs de belle musique furent moins attirés à partir de cette date.
Le P. Joseph Bouley anima la paroisse dans cet environnement difficile avec beaucoup de délicatesse. Il se fit au maximum proche des gens simples, prenant en charge, par exemple, le catéchisme des enfants de CE2. Les enfants et les dames catéchistes qui travaillaient avec lui en conservent un grand souvenir. Il accepta que la messe de 11 heures continue d’être célébrée en latin, attirant des fidèles qui, en plus de leur goût pour la musique, avaient une sensibilité ecclésiale que nous qualifierons de « classique ». L’ouverture théologique dont le P. Bouley témoignait dans ses homélies aidait ces personnes à ne pas s’enfermer dans leurs certitudes.
Lorsque le P. Henri Delatouche lui succéda en 1983, il hérita d’une paroisse vivante malgré les conditions difficiles qu’elle avait traversées. Mais il décida de célébrer la messe de 11 heures en français.
Michel Quesnel, prêtre de l’Oratoire de Jésus.