Le 15 mars 1817, le cénotaphe de Jean-Baptiste Colbert retrouve l’église Saint-Eustache, dans la cadre de la restitution des œuvres conservées au Musée des Monuments français. Le monument funéraire, commandé par Marie Charron, la veuve du défunt, le 20 mai 1685, a souffert du vandalisme révolutionnaire et de son transfert au dépôt lapidaire des Petits Augustins. Il n’est plus tout à fait le même, plus tout à fait à son emplacement d’origine, mais son retour participe à la restauration de la mémoire de l’un des plus fervents serviteurs de l’État.
Car, emporté par la gravelle, ou maladie de la pierre, le 6 septembre 1683, il l’est aussi par une impopularité telle que son cercueil, escorté par les « archers du guet », n’est déposé qu’en pleine nuit dans le caveau aménagé sous la chapelle de la Vierge. Sa dépouille mortelle a quitté, quelques instants plus tôt, le quartier de Richelieu où il vivait et qu’il avait fait vivre pendant plus de trente ans.Il était entré au service de Giulio Mazarini en 1651 en qualité d’Intendant de la Maison du cardinal, et s’était installé, dès lors, dans l’enceinte même du Palais Mazarin, dans le deuxième petit hôtel Tubeuf, sis au n°12 de la rue Neuve des Petits Champs. Un hôtel particulier qui lui fut légué en 1661, mais auquel il renonça, quelques temps plus tard, afin de faciliter le partage des biens immobiliers de Son Éminence entre ses héritiers. Il fit alors l’acquisition, en 1665, de l’hôtel de Bautru, à l’angle des rues Vivienne et Neuve des Petits Champs. Dans cet hôtel Colbert, ou, plus précisément, dans deux « maisons au bout de ses jardins », le Surintendant des Bâtiments, Arts et Manufactures rassembla, en 1666, les ouvrages de la Bibliothèque du roi, jusque-là dispersés en divers dépôts littéraires, et abrita les séances de la nouvelle Académie des Sciences.
Premier Marguillier du Conseil de Fabrique dès son installation sur le territoire de la paroisse, il porta deux projets artistiques majeurs. Tout d’abord, celui de 1655, réalisé en 1666, visant à aménager et décorer deux chapelles antérieures, situées sous les tours du massif occidental, abattu en 1688 : s’ouvrait, sur les collatéraux méridionaux, la chapelle des Mariages, dans laquelle se répondaient deux peintures à l’huile sur toile de Charles de La Fosse, le Mariage d’Adam et Ève et le Mariage de Joseph et Marie ; et, sur les collatéraux septentrionaux, la chapelle des Baptêmes, dans laquelle se faisaient face deux peintures à fresque de Pierre Mignard, la Circoncision et le Baptême du Christ. Ensuite, celui de 1663, auquel Louis Le Vau ou son élève François d’Orbay a répondu, visant à achever et à reprendre la façade occidentale, restée inachevée depuis plus de trente ans ! Pour participer au financement de ce dernier, il légua, en 1683, la somme de 40.000 livres, qu’il fallut faire fructifier jusqu’en 1752.
Enfin, en 1670, Secrétaire d’État à la Maison du roi, chargé de la Ville de Paris, il décida d’ouvrir la cité en faisant démanteler l’enceinte bastionnée, dite des Fossés Jaunes, et aménager le Nouveau Cours. Dès lors, le territoire de la paroisse s’ouvrit aux faubourgs, jusqu’à la chapelle des Capucins, érigée en paroissiale Saint-Louis d’Antin en 1779 ; jusque chez Julie Careau, rue de la Chaussée d’Antin, où s’éteignit Mirabeau en 1791…
Cédric Juppé, paroissien,
guide bénévole pour Art, Culture & Foi