Évangile du mercredi 15 mars 2023 (Mt 5, 17-19)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Amen, je vous le dis : Avant que le ciel et la terre disparaissent, pas un seul iota, pas un seul trait ne disparaîtra de la Loi jusqu’à ce que tout se réalise. Donc, celui qui rejettera un seul de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire ainsi, sera déclaré le plus petit dans le royaume des Cieux. Mais celui qui les observera et les enseignera, celui-là sera déclaré grand dans le royaume des Cieux. »
Méditation : Ses paroles ne passeront pas
Une tentation récurrente des communautés chrétiennes depuis le commencement de l’annonce de l’Évangile ne serait-elle pas d’oublier que les paroles Jésus ne se comprennent qu’en relation avec les Écritures juives ? Entendons par là ce que nous nommons aujourd’hui comme « l’Ancien Testament ». Jésus dans son rapport à Dieu, en fils d’Israël, passe par la médiation des Écritures, en premier la Torah, que les Évangiles nomment la « Loi ». En entendant ce mot, en occidental, nous pourrions nous tromper en réduisant sa teneur à celle d’un cadre législatif, isolé de la contingence de l’histoire.
D’où l’importance des récits parsemant ces cinq premiers livres de la Bible. Des récits à tonalité mythique ou historique mettant en scène des figures où se donne à voir notre difficile et douloureuse humanisation, qu’elle soit personnelle ou en société. Du mythe du jardin d’Eden où l’homme s’exile de l’espace relationnel ; de l’errance de Caïn fuyant le sang versé d’Abel ; de la migration des fils de Jacob boitant leur fraternité en terre d’Egypte ; la « sortie » enfin de ce lieu asservissant, passant par la traversée du désert et le don des 10 Paroles de l’Alliance, cela en vue d’habiter la terre de la Promesse… Autant de récits qui font partie de la « Loi » et qui, tissés ensemble, nous sont donnés pour accueillir les questions existentielles qui nous traversent, dont une qui me parait brûlante aujourd’hui : « Arriverons-nous un jour à habiter en bonne intelligence cette terre ? »
Arriverons-nous à vivre la fraternité dans la pluralité du monde des vivants ? Question écologique qui nous rappelle que nous ne sommes pas les seuls habitants de cette terre, mais que nous devons collaborer avec l’ensemble des vivants en réinterrogeant nos pratiques et notre rapport à la violence, dans le temps, l’espace, et cela au cœur de notre univers relationnel, intérieur comme extérieur. Arriverons-nous au dedans de nous-même à réconcilier le ciel et la terre ? A habiter cette terre selon l’esprit du Créateur par qui la vie sur terre existe ?
Jésus n’est pas venu abolir la Parole d’Alliance, interprétée sans cesse à temps et à contretemps non seulement par Moïse mais aussi par les prophètes d’Israël. Il vient, par sa manière d’être homme, par les relations qu’il crée, accomplir la volonté de celui qu’il appelle son Père. Il vient habiter notre terre de cette manière-là afin que nous croyions que l’espace de la fraternité devient par lui une réalité possible. Lui l’Agneau de Dieu capable de faire coexister le loup et l’agneau… Encore nous faut-il vivre notre Pâque… En quittant nos Égypte intérieures, en traversant le désert de nos soifs avec lui, en acceptant de marcher ce chemin pascal, avec lui.
Antoine Adam, prêtre de l’Oratoire, Notre Dame du Rosaire Les Lilas