Psaume du mercredi 27 avril 2022

 

1/ Je bénirai le Seigneur en tout temps,

sa louange sans cesse à mes lèvres.

Je me glorifierai dans le Seigneur :

que les pauvres m’entendent et soient en fête.

 

2/ Magnifiez avec moi le Seigneur,

exaltons tous ensemble son nom.

Je cherche le Seigneur, il me répond :

de toutes mes frayeurs, il me délivre.

 

3/ Qui regarde vers lui resplendira,

sans ombre ni trouble au visage.

Un pauvre crie ; le Seigneur entend :

il le sauve de toutes ses angoisses.

 

4/ L’ange du Seigneur campe à l’entour

pour libérer ceux qui le craignent.

Goûtez et voyez : le Seigneur est bon !

Heureux qui trouve en lui son refuge !

 

Psaume 33 (2-9)

 

Méditation

« Une main créatrice a voulu faire de cette diversité un symbole de fraternité. »

 

Je m’enfonce peu à peu dans la forêt, à pas lents, au rythme de la pensée, de la prière, comme on s’introduit pieusement au cœur d’un mystère. J’aime par-dessus tout me retrouver en ce lieu solitaire, où foisonne une multitude de végétaux divers. On y trouve, surgissant au-dessus d’une végétation dense d’arbrisseaux et de buissons, une grande variété d’arbres imposants qu’on n’imaginerait pas voir se côtoyer – j’allais dire se tutoyer –, bouleaux, hêtres, chênes, charmes, frênes. On pourrait penser qu’une main créatrice a voulu faire de cette diversité un symbole de fraternité.

 

Quelle que soit la beauté de chacun de ces arbres qui m’entourent, il en est un, en particulier, que je préfère, et c’est lui que je viens visiter, comme on visite une personne que l’on aime. Son isolement et sa solitude m’attirent, mais bien moins que son mystérieux message, car je suis aimanté par ce qu’il présage. C’est pourquoi je l’ai adopté. Auprès de lui, je me sens bien. Est-ce fou de penser qu’il existe une réciprocité ? Nous échangeons, il me parle de lui, je lui parle de moi, nous partageons le secret que nous sommes l’un pour l’autre…

 

Depuis que je l’ai découvert, je reviens régulièrement jusqu’à lui. Je ne recherche pas son ombrage car il est démuni de tout branchage, et donc de tout feuillage. Un arbre mort, dénudé. Il fut pourtant, jadis, un arbre vivace, avant que la main de l’homme ne l’abatte, ne le taille, ne le rabote, ne le réduise en deux poutres d’inégale grandeur, pour lui donner finalement la forme d’une croix. Vous savez, comme cette Croix que l’on planta tout en haut du Calvaire !

 

Je suis maintenant si proche d’elle que je perçois presque son souffle. Je fais une pause pour reprendre le mien. Ce sentier malaisé et abrupt qui mène à la croix permet de méditer sur la rudesse et l’âpreté de la quête spirituelle. La sueur qui s’écoule de mon front, qui descend sur mon visage, m’évoque les larmes de cire qui coulent le long d’un cierge quand il se consume sous les morsures du feu : c’est pourtant ainsi qu’il peut produire de la lumière ! Seule la lumière m’intéresse, et peu m’importe les larmes. Le cierge Pascal n’a de sens que grâce à la Lumière du Ressuscité qu’il évoque et annonce ! Cette croix vibre-t-elle encore des tourments qu’éprouva le divin cœur, fixé sur elle, et qui aima jusqu’aux limites de l’amour ? Ô bois, Croix du Sauveur, Croix de l’Acquiescement, Croix de l’Amour inconditionnel !

 

Les arbres des forêts dansent de joie devant la face du Seigneur, chante le psaume, et moi je viens ici me réjouir de Toi, Seigneur, je veux m’unir à la danse joyeuse de la création, si candide et si pure. Quant à ce bois-là, qui donne la mort, je vois en lui l’Arbre de Vie de la Genèse, car c’est par lui que la Vie éternelle est offerte aux hommes.

 

Me voici campé à tes pieds, Arbre de Vie. Il me plaît d’imaginer que tu fus transporté du Jardin des Commencements jusqu’au Golgotha, pour y ensemencer la Vie ! Dieu aurait-il chassé aussi l’Arbre de Vie du centre du Jardin, pour qu’il te recherche, toi, l’homme, afin qu’il te rejoigne, et s’empresse de contribuer à ton Salut ?

 

Et voici que, phénomène étrange, je vois poindre, là où pourrait se trouver le cœur du supplicié, une sphère bleue qui tourne sur elle-même ; je comprends alors que c’est là notre monde, car j’en reconnais les divers contours et continents. Et voici que se détache, de toutes ces terres habitées, une multitude de points minuscules qui grossissent, s’épaississent, et s’approchent. C’est alors qu’ils se répandent à la surface de la croix, comme surgissant de ce cœur blessé par la lance, par nos vilenies et nos refus d’aimer, et je peux voir maintenant qu’il s’agit d’une multitude de visages d’hommes, de femmes, d’enfants, de vieillards, foule immense que personne ne peut dénombrer, gens de toutes nations, cultures, couleurs, conditions, convictions, religions, époques… L’histoire de l’humanité est là, devant moi, et Jésus la sauve.

 

Jean-Marie Martin, oratorien à Paris