Il y a quelques jours, près de chez moi, je tombai en arrêt devant la devanture accrocheuse d’un magasin où l’on proposait des vieilleries de toute sorte, autant qu’un curé peut en bénir, comme on dirait dans ma région pour signifier une abondance de quelque chose qui ne coûte rien. Dans cette boutique, on vendait du vintage à gogo, pas forcément pour les gogos, mais du vintage quand même, bien remis au goût du jour, et donnant envie de se le procurer. À ma grande surprise, l’un des rayonnages était rempli de statues de saints, alignés, au garde à vous, telle une armée en parade, repeints, remaquillés, attendant des acheteurs au cœur tendre et religieux, ou superstitieux. L’étalage était plein, n’espérez donc pas y avoir votre place un jour. On brade les saints peinturlurés, on les retape pour les vendre un bon prix, car ils vieillissent et se dégradent. Ainsi de la sainteté ?
N’attendez pas d’être pape pour être saints, vous avez dès maintenant toutes vos chances. À Rome, on remplit le ciel à tour de bras, mais bien que les canonisations aillent bon train, ne montez pas dans le mauvais train. Le nombre de places est extensible, mais n’achetez pas votre billet à n’importe quel revendeur, vous vous feriez gruger ! La canonisation ne s’achète pas, elle est en gratuité totale. Et contrairement à ce qu’on pourrait penser, la canonisation ne fait pas le saint, elle ne fait que le reconnaître et le désigner comme exemple. Le saint, c’est l’Esprit de Dieu qui en est le maître d’œuvre. On a un énorme besoin de saints bien vivants dans notre monde, plutôt qu’emplâtrés sur nos autels. Si nous écoutons vraiment l’invitation du pape François, tous appelés à la sainteté, bientôt on ne pourra plus canoniser qui que ce soit, tellement il y aura de candidats, on ne saura plus où donner de l’auréole… Je rêve peut-être, bien sûr ! Mais si tout le monde s’y mettait, quel coup de canon ! (C’est la racine du mot canoniser.) Non pas le canon qui assourdit et détruit tout sur le passage de ses boulets ravageurs ; ni la personne canon, parfaite en toutes proportions physiques, érigée en modèle de beauté, qui fait baver de plaisir ou de jalousie, c’est selon. Non, mais le canon des Béatitudes, c’est à dire, l’homme imprégné et rayonnant de leurs exigences et de l’Évangile, comme l’entend le Seigneur lorsqu’il nous demande dans le Lévitique : Soyez saints comme moi je suis saint ! Ça c’est détonnant !
Jean-Marie Martin, oratorien, vicaire.