La bible latine, en usage exclusif dans l’Église catholique jusqu’au début du XXème siècle était appelée la Vulgate. Si ce nom vous évoque l’idée de « vulgarisation », vous avez raison. L’intention du pape Damase (4e siècle) était bien de rendre la Bible accessible, dans la langue pratiquée par le grand nombre. Il confia à Saint Jérôme de Stridon la tâche de traduire les Écritures et d’en fournir le texte le plus fiable possible. Ce premier travail devait devenir la base de tout ce qui se ferait ensuite et la Vulgate s’établit peu à peu comme l’unique référence.

Au fil du temps, paradoxalement, elle devint accessible seulement aux lettrés qui connaissaient le latin alors qu’elle devenait étrangère au grand nombre dès lors, que le latin n’était plus langue commune. En outre, le texte sacré devenait comme « intouchable », soustrait à toute approche critique, du moins jusqu’au XVII è siècle où paraît le P. Richard Simon (1638-1712), prêtre de l’oratoire, féru de langues anciennes, érudit qui s’intéresse de près aux Saintes Écritures et entend entrer en dialogue avec elles.

Le père Gilbert Caffin lui avait consacré une conférence lors des célébrations du 4è centenaire de l’Oratoire. Je le cite : « [Le père Simon] s’oppose à la fois aux incroyants – les libertins érudits du 17è siècle – qui se moquent des obscurités et des contradictions trouvées dans les textes bibliques et aux inconditionnels de la foi qui refusent toute critique des livres sacrés. ». Et encore : « Coupable d’avoir eu raison trop tôt, R. Simon fut condamné par Bossuet puis par Rome et exclu de l’Oratoire en 1678 ». Il n’en demeure pas moins le père de la critique biblique moderne et nombre de ses successeurs dans cette discipline rencontreront les mêmes difficultés et avanies que lui – comment ne pas penser ici au dominicain fondateur de l’Ecole Biblique et Archéologique de Jérusalem, le P. Lagrange ?

Reste le fruit du travail et des combats de ces érudits infatigables : aujourd’hui chacun peut disposer dans sa langue de traductions fiables, enrichies de notes et de renvois qui permettent de circuler dans la richesse du texte biblique. Richard Simon et ses successeurs ont rouvert le chemin du dialogue avec les Écritures. Pour qu’une parole se donne à entendre, il est à la portée de tout un chacun de faire ce geste si simple : ouvrir le Livre.

 

Père Gilles-Hervé Masson, vicaire à Saint-Eustache.