C’est grâce à un Lyonnais, l’abbé Paul Couturier, que les confessions chrétiennes du monde entier vivent une Semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Cette année, ce sont les Églises d’Indonésie qui ont proposé un thème particulièrement pertinent pour aujourd’hui : « Justice et paix s’embrassent : chemin d’unité ». Cela permet de rassembler deux courants majeurs de la vie œcuménique, la recherche de l’unité visible entre chrétiens et la lutte pour la justice et la paix dans le monde. Nous voilà donc invités à la prière, en union avec les chrétiens de l’un des plus grands pays musulmans d’Asie, récemment marqué par une catastrophe de grande ampleur.
Il m’est toujours apparu étrange de consacrer une unique semaine à la prière pour l’unité des chrétiens, tandis que les cinquante et une autres semaines sont marquées par d’autres priorités. Chacun perçoit que la désunion des chrétiens constitue l’un des plus éclatants contre-témoignages dans un monde qui ne cesse d’éprouver ses divisions politiques, économiques, culturelles. Il faudrait sans doute se préoccuper d’unité chrétienne pendant toute l’année, quitte à s’accorder une petite semaine pour souffler un peu !
Dans tous les cas, la Semaine vient solliciter notre prière au cœur d’une actualité complexe pour toutes les confessions. Alors que l’Église catholique doit faire face à une exigence plus forte encore de réformes, face à la crise des abus (abus sexuels, abus de conscience, abus de pouvoir), le monde orthodoxe est secoué par une grave division entre Constantinople et Moscou dont les conséquences immédiates sont douloureuses en France, et dans bien d’autres pays. Dans leur diversité, les Églises protestantes ne sont pas épargnées par les difficultés, particulièrement dans leur rapport à l’Écriture, considérée théoriquement comme la seule autorité. Certaines évolutions contemporaines sont alors accueillies avec enthousiasme par certaines, et vivement rejetées par d’autres, au nom de lectures contradictoires de la même Bible.
Ce sont donc des Églises fragilisées et divisées qui se présentent devant le Seigneur : il ne faut pas attendre que celles-ci se réforment par elles-mêmes et que, dans un deuxième temps, elles consentent enfin à recevoir l’unité que Dieu leur offre inlassablement. C’est au contraire un processus d’unité, même modeste, qui peut les aider à dépasser les difficultés dans lesquelles elles sont plongées. Mon expérience quotidienne est de vérifier que l’Église catholique pourrait trouver ce qui permet de se réformer dans d’autres Églises ou communautés ecclésiales « où certains aspects du mystère chrétien ont parfois été mieux mis en lumière. » (Jean-Paul II, Encyclique Ut Unum Sint, 1995, n°14) La place structurante de la vie liturgique, l’écoute amoureuse de l’Écriture, le souci d’une liberté intégrale de l’être humain, les pratiques synodales, la place du Saint-Esprit dans la prière personnelle, l’expression de la joie d’être témoin du Christ, tels sont des éléments que nous vivons déjà, mais qui pourraient s’enrichir de ce que les autres chrétiens vivent avec plus d’authenticité parfois.
Luc Forestier, prêtre de l’Oratoire, directeur de l’Institut Supérieur d’Études Œcuméniques (ICP)