Le 11 novembre dernier, à 11 heures, alors que sonnaient les cloches dans tout le pays, en écho au centenaire de l’armistice de 1918, nous célébrions à Saint-Eustache avec nos frères allemands venus de Wiesbaden, le mémorial de la Pâques du Christ. Le père Yves Trocheris, dans son éditorial du 10 novembre, écrivait : « Ces conflits aux ombres longues et gigantesques, ces conflits si terriblement meurtriers ont marqué des générations d’hommes et de femmes dans des proportions dont il est encore difficile aujourd’hui de prendre la mesure. » Il est indéniable que notre mémoire collective est marquée par ces années meurtrières qui ont ensanglanté toutes les familles de notre pays. Et cette mémoire douloureuse laisse des traces dans le paysage avec ces innombrables stèles, statues de monuments aux morts… Au risque d’une emprise d’état idéologique magnifiant la vertu sacrificielle, occultant pour un temps, un regard critique sur les causes d’une telle boucherie de masse… La mémoire qu’elle soit individuelle ou collective n’est jamais pure transparence, adéquation avec nous-mêmes. Elle est comme la nuée dans la révélation biblique, entre ombre et lumière… Elle a besoin aussi d’être interprétée.
Parce que le choc du sang versé a été tel, de multiples traces ont été volontairement construites et laissées à notre vue. C’est sous l’angle de l’art du vitrail que nous nous vous proposons, avec du recul, d’entrer dans cette mémoire patrimoniale. En effet, au lendemain du conflit, nombre de commandes de verrières et de vitraux ont été faites pour des églises catholiques, mais aussi pour des temples, des chapelles de cimetières, des hôpitaux, mairies, lycées et collèges, sans parler d’autres lieux collectifs comme des cinémas ou des maisons particulières. Ces vitraux honorent la mémoire des soldats disparus par des mises en scène qui rappellent le quotidien de la guerre pour mieux le transcender. Beaucoup font entrer en résonance le sacrifice du Christ avec l’horreur de tant de pertes humaines questionnant le ciel. Ces images sont comme des paroles laissées aux générations suivantes, qu’il nous faut prendre le temps d’écouter.
Professeur en histoire contemporaine, monsieur Jean-Claude Lescure a travaillé sur ces nombreux vitraux commémoratifs de la Première Guerre mondiale. Je vous invite à venir l’écouter mardi prochain, salle des colonnes, afin que nous continuions ce chemin d’appropriation de notre histoire collective nous appelant à être des artisans de paix.
PS : Je ne saurais oublier qu’au moment où nous publions ces informations, notre pays est entré dans une inconnue de son histoire collective. Nous voici dérangés dans nos certitudes et confort… C’est peut-être un appel à être davantage des veilleurs en ce temps d’Avent, de ce qui fonde notre citoyenneté en République. Prions les uns pour les autres afin que nous ayons le discernement pour interpréter les signes des temps que nous traversons.
Antoine Adam, prêtre de l’Oratoire, vicaire à Saint-Eustache.