Au musée des Beaux-Arts de Bruxelles, se trouve en ce moment le tableau de Brueghel l’Ancien, intitulé le Dénombrement de Bethlehem. Nous pouvons y observer la Vierge Marie, enceinte, aux côtés de Joseph, attendant simplement leur tour pour se faire recenser. Autour d’eux, une foule d’individus vaquent à leurs occupations : un enfant joue à la toupie sur la glace, un homme égorge un cochon pendant qu’une femme recueille le sang qui servira probablement à faire du boudin, un autre encore contemple simplement l’agitation ambiante depuis sa fenêtre.
Brueghel parle des hommes en considérant ce qui les compose : leurs passions, leurs péchés, leurs désirs, leurs jeux et leurs objectifs personnels quotidiens.
Je discerne ici une volonté de peindre les individus tels qu’ils sont, avec tendresse, comme un hommage des plus subtil à la Création.
Ainsi, d’un point de vue narratif, Brueghel décide de décentrer le récit de la Bible, et je me dis : si l’on applique la décision que prend Brueghel, à l’Église en tant qu’institution, cela revient à croire en une Église qui serait l’opposée d’une Église autocentrée. De cette manière, il nous invite sans doute à envisager la religion dans son action présente, une religion auprès des hommes, une religion de vie, celle-là même qui répand dans la cité, amour, bienveillance et culture. Cette Église idéale, profondément bonne et active, je l’ai reconnue dans celle de Saint-Eustache, incarnée par ses acteurs. Elle aura été pour moi l’exemple même d’une Église indispensable.
C’est pour l’église Saint-Eustache et les gens qui la pratiquent, que grâce à elle et à Rubis Mécénat, j’ai eu la chance de pouvoir participer par deux fois à la conception d’une version « contemporaine » de la Crèche. Une première fois avec Anouk Rabot, où j’ai dans un premier temps pris sur moi de considérer l’église en tant que lieu, un lieu qui rassemble architecture, amour, spiritualité et art. L’interrogation qui m’habitait alors était : « Comment construire une crèche qui fonctionnerait comme un prolongement de l’église en tant que bâtiment ? ».
Pour la seconde fois, avec Théophile Stern, je me suis concentré sur l’histoire de la nativité en tant que récit à illustrer. Pour cela, puisque la crèche convoque en nous l’attente de la naissance du Christ, il m’a semblé important de rester simple. J’ai donc sculpté un groupe de petites statues dans du bois pauvre qui figuraient les personnages de la crèche, une troupe de santons aux allures de jouets, en hommage à la naissance d’un enfant, et, d’un point de vue plus global, en hommage à l’enfance et au jeu.
Je pense que cet appel à projet (initié par Françoise Paviot et soutenu par Rubis Mécénat) a beaucoup de sens, puisqu’il nous amène à nous questionner sur la Foi dans l’art ainsi que sur l’Église et son rapport à la modernité. En effet, appeler des étudiants des Beaux-Arts à traiter un sujet aussi originel que celui de la Nativité, c’est admettre à l’art sacré l’occasion de continuer à fonctionner avec le présent.
Dans toutes les messes auxquelles j’ai eu la chance d’assister, l’homélie a toujours été le passage qui m’a le plus parlé. L’homélie, c’est la partie vivante et contemporaine de la messe, celle qui tisse les liens entre les écrits saints et notre vie de tous les jours. Celle qui convoque la vie des hommes et nous redonne la force et la sérénité dont nous avons besoin pour continuer à aimer notre prochain.
C’est dans cette mesure et d’après ces réflexions que je crois en l’importance primordiale de faire émerger une pratique de l’art contemporain sacré.
Puisque la foi dépasse les modes, les styles, et les matières, comme en art « libre » et dans la vie en général, c’est sans doute une Église en discussion avec son époque qui peut nous permettre d’accéder avec intelligence au pouvoir d’amour inconditionnel et mystérieux que nous confère la foi.
Max Coulon, élève à l’école des Beaux-Arts de Paris.