Il est vrai qu’à part quelques cercles « d’extrême catholicisme » qui en menacent les fidèles trop « déviants » à leur idée, la boxe n’a pas habituellement sa place dans une église. La vidéo « Neutral Corner » de l’artiste Lucas Arruda exposée dans la chapelle Sainte-Madeleine peut donc surprendre… sauf si on la regarde attentivement. Ceux qui connaissent la boxe y reconnaissent les éléments périphériques d’un match, mais avec un regard plus naïf ou plus perçant, on y voit d’abord un grand carré blanc, une page blanche à écrire, que des lutins traversent sporadiquement ; une terre à habiter, une histoire à vivre et à transmettre ? On y voit une foule agitée mais chacun gardant sa place ; une forêt dense et touffue bien enracinée, secouée par la brise et parfois par la tempête ? On y voit des cordes tendues au-dessus d’une tête ; une portée musicale avec une seule note, un Do majeur ? On y voit des jambes qui s’agitent et se croisent, jeu de jambes essentiel à des corps en déséquilibre pour rester debout ; des roseaux qui plient mais ne rompent pas ? On y voit les muscles ronds ou tendus de corps qui se recroquevillent et se déploient ; la houle et la marée, énergies vitales et toujours renouvelées de la mer ? On y voit un corps allongé sur le sol par des mains bienveillantes et respectueuses ; le corps d’un martyr allongé en attente d’être « relevé », comme celui représenté dans la chapelle suivante ? On y voit donc beaucoup d’aspects de notre nature, tous essentiels, qu’il nous faut mettre au service de notre vie, simplement mais avec détermination. Par contre, ce qu’on n’y voit pas du tout c’est la violence, qui d’ailleurs n’a pas sa place dans une église.

 

 Père Jacques Mérienne, vicaire à Saint-Eustache.