L’évangile de ce jour fait retentir une invitation : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau et moi je vous soulagerai. » Par les temps qui courent, cette invitation réconfortante fait du bien. En effet, quand on lit l’Évangile, on le lit toujours dans les circonstances réelles de notre vie vécue. Et si nous lisons l’Évangile en ces temps d’avent tels qu’ils sont, c’est essentiellement pour nous nourrir, peut-être pour y refaire nos forces, pour nous y reposer aussi, exactement ce que le Seigneur nous propose aujourd’hui.
De fait nous en avons vraiment bien besoin parce que chacun sent que les gens sont très fatigués de cette pandémie qui n’en finit pas, des contraintes sanitaires, des confinements qui n’en sont plus tout à fait, et des déconfinements qui ont des drôles d’allures qu’on ne comprend pas toujours. Surtout à présent qu’on est proche de Noël, tout le monde a bien compris que, comme on nous le dit, « ce ne sera pas un Noël comme les autres ». Mais tout le monde craint de devoir comprendre aussi, que ça sera un Noël un peu en mode mineur ou, selon l’expression commune ces temps-ci, un Noël en mode « dégradé ». Et cela finit par nous mordre au moral : parce que les perspectives sont incertaines et qu’i est impossible de se projeter, on se fatigue d’une fatigue nourrie de lassitude. Alors, venir auprès du Seigneur pour trouver auprès de lui soulagement, repos et quelque chose de roboratif, cela ne peut nous faire que du bien, et très concrètement dans les conditions où nous sommes. C’est bon à prendre.
Reste que le « fardeau » dont parle le Seigneur ici c’est le fardeau de la Loi. La loi pourtant avec un grand « L » : la Loi de Moïse, la Loi donnée par le Seigneur. Loi aussi souvent mise en application par les hommes qui s’en font les relais zélés, qui pour entrer dans le concret multiplient les règles d’application et rendent la Loi très contraignante, très difficile à appliquer, absolument omniprésente dans la vie, impossible à contourner et un peu décourageante. Saint Pierre comme saint Paul le diront, chacun à sa manière, et chacun à son tour.
Jésus ne disqualifie pas la Loi (il faut toujours le rappeler) mais il remet toujours les choses à leur place et il renvoie toujours à la Loi originelle, à l’intention du Seigneur ; il renvoie toujours à ces dix Paroles-sources reçues sur la montagne (et non pas d’abord à toutes les paroles démultipliées ensuite par les hommes de lois) C’est que cette Loi du Seigneur n’a pas été donnée pour être un fardeau, elle a plutôt été donnée pour être une nourriture, une lumière. Et lorsqu’elle devient un fardeau, lorsqu’elle encombre nos vies de trop de contraintes, peut-être faut-il se poser la question : mais est-ce encore la Loi du Seigneur ? ou bien est-ce la Loi du Seigneur prise en otage par les hommes ?
Peut-être connaissez-vous le psaume 118. C’est le psaume le plus long du psautier avec ses 176 versets. Je vous en lis simplement quelques-uns à partir du verset 129 :
Quelle merveille, tes exigences, aussi mon âme les garde !
Déchiffrer ta parole illumine et les simples comprennent.
La bouche grande ouverte, j’aspire, assoiffé de tes volontés.
Aie pitié de moi, regarde-moi : tu le fais pour qui aime ton nom.
Que ta promesse assure mes pas : qu’aucun mal ne triomphe de moi !
Rachète-moi de l’oppression des hommes, que j’observe tes préceptes.
Pour ton serviteur que ton visage s’illumine : apprends-moi tes commandements.
Mes yeux ruissellent de larmes car on n’observe pas ta loi.
Ce simple petit passage tiré d’un psaume de la première Alliance nous dit suffisamment dans quelle relation on peut se trouver avec la Loi, avec un grand « L », c’est-à-dire avec la Parole du Seigneur. On peut s’établir avec elle dans un lien où elle est source de lumière, source de paix, source de force. Ce qu’elle sollicite de notre part – et c’est bien ce que nous essayons de faire en partageant ces rendez-vous quotidiens de méditation – c’est vraiment que nous y soyons attentifs. Pas pour devenir tatillons, mais pour au contraire, avoir matière à penser et à questionner. Pour que notre capacité d’écoute petit à petit se purifie et se dilate ; que notre regard, comme le dit le psalmiste « se clarifie » c’est-à-dire se simplifie, que notre regard sache aller à l’essentiel, que notre oreille sache entendre toujours le Seigneur qui nous dit « Choisis la vie ! choisis la vie ! » et pour se faire « garde ma Parole ! »
Et le meilleur moyen de trouver auprès du Seigneur soulagement, repos, forces refaites à neuf c’est de le rejoindre Lui, Lui dans sa personne et son amitié. Lui qui est venu accomplir la Loi non seulement parce qu’il va faire ce que les prophètes ont annoncé, mais aussi parce que chaque jour de sa vie il va vivre en fidélité aux attentes de son Père. Toute sa vie ne va être qu’un long « oui » à la volonté du Père ; toute sa vie ne va être qu’un long « oui », un « oui » de communion au dessein de pardon, d’amour, de salut, que le Père a sur l’humanité. C’est cela que nous avons à annoncer, et c’est cela qui peut nous procurer réconfort. Et c’est cela qui peut procurer « soulagement à nos âmes » : non pas être perpétuellement inquiets de mal appliquer la Loi, mais plutôt être inquiets, soucieux, désireux d’être dans une relation à cette Loi, de sorte à ce qu’elle soit un canal de grâce, un canal de vie.
Nous continuons notre marche d’Avent. Aujourd’hui nous avons reçu cette parole de consolation, d’apaisement du Seigneur Jésus. Répondons à son invitation, recevons sa Parole, prenons sur nous son joug à Lui et faisons confiance à sa promesse : si nous savons mettre le curseur là où il faut, et c’est le Seigneur qui nous enseigne où le mettre, alors oui, nous découvrirons que à la fois le joug du Seigneur est léger parce qu’il reconduit à l’essentiel. C’est pour cela qu’il peut être tonifiant, roboratif et fécond pour notre vie.