A quelques jours des élections européennes, je regarde le drapeau de l’Europe. Sur fond bleu azur, nous voyons une couronne aux douze étoiles. Un avenir incertain, dépendant du choix de citoyens ou de leur abstention, peut changer ce drapeau et ce dont il est porteur : notre avenir commun sur notre continent et dans ce monde en mutation accélérée.
Avons-nous oublié quelles larmes a coûté la patiente construction européenne ? Rappelons-nous que ce qui était impensable pour les générations qui ont connu les deux guerres mondiales ayant fait couler tant de sang, est un miracle qui n’a pas son corollaire sur d’autres continents. Rappelons-nous que l’idée de ce drapeau, qui sert d’emblème pour toutes les institutions européennes, est inspirée de la figure de la femme évoquée dans le livre de l’Apocalypse de saint Jean : « Un grand signe apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. Elle est enceinte, elle crie, dans les douleurs et la torture d’un enfantement. Un autre signe apparut dans le ciel : un grand dragon, rouge feu, avec sept têtes et dix cornes, et, sur chacune des sept têtes, un diadème. Sa queue, entraînant le tiers des étoiles du ciel, les précipita sur la terre. Le Dragon vint se poster devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance » (Ap, 12, 1-4). Ces douze étoiles, en contexte biblique, nous pouvons les relier aux douze tribus d’Israël et aux douze apôtres des Évangiles. Symboliquement, ce chiffre nous parle d’une histoire de pluralité, de complémentarité et d’interdépendance. Elle nous parle de la sortie d’une volonté de domination, rendant possible le jeu des différences par lequel le Créateur dans l’histoire de la révélation construit son Royaume. Ainsi méditant devant ce symbole du drapeau européen, je pense à ce long travail d’enfantement d’une humanité qui a commencé à trouver un chemin où les échanges peuvent se déployer en sortant de la logique de la défiance, de la haine et de la volonté de puissance. Ce symbole ne nous enferme pas dans un monde idyllique, déconnecté du tragique de l’histoire, c’est un travail mobilisant toute notre attention, en restant vigilant quant aux défis nouveaux qui se présentent à nous. En ce dimanche du temps pascal, alors que les sirènes de la défiance et du repli semblent jouer une autre partition propre à l’hymne européen, souvenons-nous, en pensant à la source de l’inspiration des douze étoiles, que le dragon (figure s’opposant au mystère de l’incarnation) est toujours proche et cherche à dévorer ce qui est en train de naître…
Antoine Adam, prêtre de l’Oratoire, vicaire à Saint-Eustache.