Le 5 octobre a été rendu public le rapport de la Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Église (CIASE). Le rapporteur en est M. Jean-Marc Sauvé. Il reste maintenant à accueillir le fruit de ce travail d’écoute, de justice et de vérité. Et ce n’est pas si facile ! Deux écueils – parmi bien d’autres – pourraient limiter la portée salutaire de cet immense travail : d’abord la lassitude et peut-être aussi le déni. Lassitude : parce qu’on entend parler de ces scandales depuis si longtemps et qu’on aimerait passer à autre chose. L’envie est grande de tourner la page. Déni : parce que la tentation est grande de se consoler en se comparant (« c’est pire ailleurs ») et qu’on ne supporte ni le poids de honte de si nombreux comportements criminels destructeurs au sein même de l’Église ni guère davantage les dysfonctionnements institutionnels mis à jour dans une lumière crue et qui, au lieu de limiter le mal, l’ont plutôt laissé prospérer.
Et pourtant il faut à présent écouter et entendre encore ce que les victimes ont dit et qui permet ce moment de vérité – si difficile qu’il soit. Une nouvelle tâche missionnaire s’impose à nous chrétiens, et spécialement catholiques. Que nous soyons dans l’une ou l’autre attitude, lassitude ou déni, une nouvelle mission s’impose à chacun de nous au sein de la communion ecclésiale, comme au sein de notre société, mettre en œuvre une fraternité qui libère la parole des frères et sœurs, nous ne pouvons nous y soustraire. Ici le verset évangélique « La vérité vous rendra libres » (Jn 8, 32) reçoit un écho tout particulier : c’est bien l’écoute de la Parole qui rend libre. La Parole du Seigneur lui-même, certes, mais aussi toute parole issue de la bouche du plus petit, dans les situations les plus concrètes de la vie, car, là encore c’est le Seigneur qui appelle à « faire la vérité », pour « venir à la lumière » et finalement goûter la liberté vraie. Il n’y a pas d’échappatoire. On ne peut se réfugier dans de belles considérations spirituelles éthérées : c’est dans sa chair que le vulnérable a été atteint et que son âme a été meurtrie. Que sa vie, peut être, a été brisée. Si la compassion veut être vraie, elle doit en passer par la lucidité.
Ce qui est à engager dans un processus durable, voulu d’écoute honnête et persévérante : prendre la mesure « des forces de mal » auxquelles nous pouvons être confrontés et nous mettre au service « des forces de vie » qui doivent avoir le dernier mot.
Nous vous invitons à lire sur internet le portrait qui a été fait (par le journal Le Monde, le 19 septembre 2021) de M. Sauvé, rapporteur de la CIASE. C’est le témoignage de quelqu’un qui s’est mis à l’écoute, en profondeur. Il s’est laissé mettre à l’épreuve par tout ce qu’il a entendu et il s’est, du même coup, mis en situation de servir la « vérité qui rend libre ». Son expérience vaut d’être connue. Et bien sûr nous ne saurions trop vous encourager à vous informer sur son travail. Le mot « encourager » a ici toute sa place car, en l’espèce, ce n’est pas une démarche facile : les faits son têtus et en l’espèce ils sont aussi hideux. Elle est pourtant indispensable : en l’accomplissant nous dirons avec plus de vérité ces mots souvent sur nos lèvres : « Délivre-nous du mal » et nous pourrons, chacun à sa place et à sa mesure, nous faire les gardiens de nos frères et sœurs, à commencer par les plus petits en qui le Seigneur lui-même en appelle à notre attention et notre sollicitude. À notre humanité tout simplement.
Les prêtres et l’Équipe Pastorale de Saint-Eustache
Conférence
Église Saint-Eustache
Salle des Colonnes, 4, impasse Saint-Eustache – 75001
Mercredi 27 octobre à 19h30
Après le rapport Sauvé, Tolérance zéro
Par Pierre de Charentenay*
*Jésuite, auteur de « Tolérance zéro, Lutter contre la pédophilie dans l’Église », Salvator, 2021.